Les membres de l'intersyndicale de la santé ont décidé de s'expliquer, hier, sur les motifs qui les ont poussés à renouer avec la protestation en appelant à une grève de trois jours à partir de demain, lundi. M. Keddad, secrétaire général du Syndicat national algérien des psychologues, est revenu sur les évènements qui ont conduit les professionnels de la santé à adopter cette démarche. Ainsi, il a estimé que cette décision était mûre et réfléchie. «Nous nous sommes inscrits dans une perspective de dialogue depuis plus de huit mois. Nous avons suivi toutes les étapes, laissé du temps à notre tutelle. Lorsque le Premier ministre a instruit notre tutelle pour examiner les amendements du statut particulier et du régime indemnitaire, nous avons cru à ses discours. Mais grande a été notre déception quand le ministre a affirmé, le 17 avril, que la prise en charge des revendications n'était pas de ses prérogatives. Nous avons donc jugé de reprendre avec la protestation d'autant que nous ne sommes pas les seuls à s'inscrire dans une telle démarche», a-t-il expliqué. «Le ministre s'inscrit en faux par rapport aux déclarations du Premier ministre», a-t-il ajouté, précisant qu'il aurait même instruit les départements de la santé pour déployer un plan répressif à l'égard des grévistes. Pour sa part, M. Merabet, secrétaire général du Syndicat national des praticiens de la Fonction publique (SNPSP), juge que cette circulaire ouvre la porte à tous les abus, d'autant qu'elle stipule que toutes les mesures disciplinaires peuvent être prises. «La tutelle laisse le champ libre à des gestionnaires zélés qui vont user de cette instruction pour opérer des ponctions sur salaire, des mutations, des réquisitions comme cela a été le cas lors de notre dernier débrayage», a-t-il déploré. Ajoutant que suite à leur débrayage, les syndicalistes du SNPSP ont été convoqués devant la justice sans même avoir reçu de notification d'un huissier. «Depuis dix ans, les dispositions qui sont inscrites dans la Constitution, les conventions internationales qui ont été ratifiées et qui consacrent les droits des travailleurs ne cessent d'être bafoués dans notre pays. La grève est automatiquement déclarée illégale mais cela ne nous empêche pas de continuer à protester. Depuis plus de trois ans, nous luttons pour la prise en charge des mêmes doléances. Notre lutte syndicale est de longue haleine mais nous ne lâcherons pas», a-t-il dit. Syndicalisme et partis ne font pas bon ménage Interrogé sur l'absence de relation entre les acteurs de la scène syndicale et les députés, M. Mecherri, du Syndicat national des professeurs de l'enseignement médical (SNPEPM), explique que les professionnels de la santé ont longtemps pris attache avec tous les partis politiques sans résultat. «Nous avons été reçus à deux reprises lors des séances plénières de l'APN pour émettre des propositions à même d'améliorer le secteur. Toutefois, cela n'a pas abouti. On a remarqué que les partis politiques sont plus occupés par la façon avec laquelle ils vont prolonger leur mandat plutôt que de résoudre les problèmes des citoyens. Nous disons que c'est aux politiques de venir vers nous afin de comprendre les souffrances des concitoyens car nous sommes leurs interlocuteurs. Nous devons répondre à leurs préoccupations, nous nous soucions de leur état, nous cherchons à travers l'amélioration de nos conditions de travail une meilleure prise en charge», a-t-il souligné. M. Merabet abondera dans le même sens, déplorant que les syndicalistes ont jusqu'ici toujours quémandé des audiences. «C'est à eux de dégager des solutions dans le consensus», a-t-il dit. Concernant la capacité de cette mobilisation à influer sur la position de la tutelle, M. Yousfi du Syndicat national des praticiens spécialistes de la santé publique (SNPSSP) indiquera que le contexte actuel ne peut que faire réagir la tutelle car tous les corps inhérents au secteur sont en grève et certains ont durci leur mobilisation. La majorité des syndicats sont en grève, à M. Ziari d'en tirer les conclusions qui s'imposent. En outre, cette coordination des syndicats est la meilleure réponse que nous pouvons apporter face à l'inertie de notre tutelle. Nous avons décidé d'un débrayage de trois jours renouvelables. Nous évaluerons sa portée au sortir de ces journées et nous aviserons des suites à donner», a-t-il dit. Peu de répercussions sur les patients Interrogé sur ces grèves à répétition qui minent le secteur, M. Keddad a affirmé que l'attentisme de la tutelle provenait peut-être du fait que même en l'absence de mouvement social, le secteur fonctionne à minima. «Comme à l'accoutumée, il en est ainsi. Peut-être que nos responsables ne se rendent pas compte que le secteur est moribond», a-t-il ironisé. Ajoutant qu' «étant donné cet état de fait, lorsque l'on est en grève, cela n'a que peu d'incidence sur les malades. Toutefois, le départ de notre Président pour la France, alors que nous nous débattons pour soigner nos malades, devrait faire réagir la classe politique sur l'état du secteur. Voyez le CPCM qui donne des rendez-vous à partir de juin 2014», a-t-il déploré. Dans le même sillage, M. Mecheri indiquera qu'à travers les difficultés auxquelles sont confrontés les professionnels de la santé, c'est le patient qui est pris en otage. «Il n'y a aucune volonté politique pour une prise en charge réelle des problèmes qui minent le secteur. On nous accuse de prendre en otage les malades mais c'est le gouvernement qui en est responsable. Je pense que ce ne sont pas ces trois journées de grève qui vont pénaliser le malade. Evidemment, la grève n'est pas une fin en soi, c'est toujours notre dernière cartouche, mais le secteur ne fait pas partie des priorités du gouvernement. Nous devons l'interpeller, car l'histoire retiendra que nous sommes les seuls à avoir eu conscience du mal qui ronge la notre secteur», a-t-il dit.