«Je suis C. C. née en 1997. Elève en première année au lycée Ibn Khaldoun à Blida. Je témoigne avoir été victime de harcèlement sexuel de la part d'un surveillant et du directeur de mon établissement.» C'est ainsi que la jeune fille a commencé son témoignage manuscrit. Elle poursuit : «Après avoir été embêtée par un groupe de jeunes devant le lycée, j'ai été convoquée chez le directeur. Il me propose de m'aider et d'améliorer ma moyenne aussi. En échange, je dois me rendre dans son bureau pendant mes heures libres et de n'en tenir personne au courant. Il commence alors à s'approcher de moi, met sa main sur ma taille et tente de m'embrasser malgré mon refus. Pendant ce temps, le surveillant m'accusait de choses que je n'ai jamais faites. Ceci en représailles. J'ai refusé des avances indécentes qu'il m'avait faites auparavant. Il m'avait proposée une relation hors mariage. J'ai refusé et prétendue être fiancée. Il m'a pris la main et a tenté de m'enlacer. En le repoussant, il m'a touché. Voici ce qui m'est arrivé avec un surveillant qui a l'âge de mon père et un directeur de l'âge de mon grand-père.» Le témoignage remonte au mois de février dernier. La jeune lycéenne demande de l'aide. Elle exhorte toute personne pouvant agir à faire en sorte que de tels actes ne se reproduisent plus. «Empêchez qu'il y ait d'autres victimes», dit-elle dans sa lettre. Un appel qui a fait réagir. Les victimes sont nombreuses et se mettent à parler de ce qu'elles ont vécu, qu'elles ont vu ou qu'elles ont entendu. «Choquée, tétanisée» «Je suis I. C. née en 1995. Elève du lycée Ibn Khaldoun à Blida.» Un témoignage d'une autre élève... Une autre victime. «Je déclare sur l'honneur n'avoir subi aucune pression ni directive dans la rédaction de ce témoignage», assure-t-elle. Sa mésaventure remonte au mois de janvier dernier. «En apprenant ma situation difficile, due à la séparation de mes parents, le directeur m'a convoquée dans son bureau. Devant son insistance, je l'ai fait. Il m'a demandé si j'allais mieux en me touchant la joue. Il m'a proposé d'améliorer ma moyenne si je le voulais, et seulement si je le voulais, tout en s'approchant de plus en plus de moi, en regardant d'abord son corps, puis le mien», raconte la jeune fille. Elle laisse tomber l'arabe classique et témoigne en dialecte pour dire à quel point elle était «choquée, tétanisée, confuse». «Je sentais que j'étouffais. Je ne pouvais plus parler, j'ai tenté de m'enfuir mais j'étais incapable de trouver la porte de sortie. Je me suis retrouvée dehors sans même m'en rendre compte. J'avais envie de pleurer mais je ne pouvais pas. Quelques instants plus tard, il est venu s'assurer que j'avais rejoint ma classe.» La jeune lycéenne n'en avait d'abord parlé qu'à sa tante. Le déclic ? Une de ses amies a vécu la même chose et lui en a parlé. Mais d'autres témoignages écrits avaient déjà été rédigés par des victimes précédentes. Ainsi, S. B., élève dans ce lycée, raconte le 12 janvier 2012 ce qu'elle avait vécu la veille. «Chantage» «Une de mes enseignantes nous avait confisqué à moi et à une camarade nos téléphones portables pour les avoir utilisés en classe. Nous nous sommes rendues à l'administration. Ma camarade s'est vue remettre son téléphone et priée de regagner sa classe. Je me suis retrouvée seule chez le directeur, qui s'est approché de moi, m'a touchée, et tenté de me convaincre d'avoir un rapport avec lui. Je vous en prie, aidez-moi !», a lancé la jeune victime. Certains témoignages parlent de chantage envers des jeunes filles, surprises en compagnie de leurs copains en dehors du lycée. Elles sont convoquées chez le directeur et le surveillant qui les menacent de tout révéler à leurs parents si elles ne cèdent pas à leurs demandes. Il y aurait même un cas de viol sur mineure. Des enseignants attesteront aussi avoir pris connaissances d'actes malsains du directeur, ou en avoir été témoins. Une enseignante témoigne, dès septembre 2012, avoir été sollicitée par le directeur afin de convaincre ses collègues de réintégrer une jeune fille, après son renvoi, et ce dès le début de l'année scolaire 2011/2012. «Mes collègues étaient au courant de ses manœuvres mais je ne l'ai appris que plus tard. La jeune fille réintégrée était régulièrement convoquée dans son bureau de 16h à 17h, pendant sa séance d'anglais. Des surveillants allaient chercher les filles en classe et les amenaient chez le directeur», raconte l'enseignante. Et d'ajouter : «Un jour, alors que ces surveillants complices n'étaient pas présents, le directeur a envoyé un surveillant respectable lui chercher la fille. Je l'ai entendu rouspéter à haute voix d'être devenu, en fin de carrière, un proxénète ! Refusant de contribuer à ce qui se passait, il quittera l'établissement peu de temps après.»