Cette chanson est dédiée à ceux qui ont perverti le nom du chahid, ceux qui pensent qu'ils détiennent tout ». C'est le prologue d'une chanson rap que des élèves du lycée Ali N'mer ont écrit et chanté. Une chanson dédiée à leur lycée, et qui raconte leurs conflits avec certains enseignants et l'administration, mais surtout le silence des responsables de l'éducation par rapport à ce qui se passe à l'intérieur de l'établissement. A travers la musique, ce groupe d'adolescents a extériorisé le climat qui règne à l'intérieur de leur lycée, du fait des conflits interminables entre élèves et enseignants, enseignants entre eux, enseignants et administration, et même entre syndicats, qui ont trouvé dans ce climat d'instabilité et de relâche un terrain propice pour étaler leurs rancunes sans aucune considération pour l'intérêt des élèves pris en otage. Le lycée Ali N'mer de Batna a commencé à faire parler de lui au mois de mars dernier, lorsque les enseignants ont entamé une grève ouverte exigeant le départ de la conseillère principale du lycée, Mme Cherifa Kiel, accusée d'avoir monté les élèves contre un enseignant, et d'avoir négligé les actes de certains élèves indisciplinés. Chose qui a, selon eux, installé un climat d'insécurité dans le lycée. Une commission d'enquête a été dépêchée et a jugé que les faits sont avérés. La conseillère s'est vue alors suspendue et traduite devant le conseil de discipline. Cette décision, appréciée par le Cnapest, a été rejetée par le Snapap et les élèves. Solidaire avec la conseillère et sentant le coup monté, le Snapap a organisé un sit-in devant le siège de la direction de l'éducation pour contestation. De leur part, les élèves ont organisé des grèves et ont même menacé de mettre le feu au lycée, chose qui a failli se produire. Le mois d'avril dernier, des bouteilles de cocktail Molotov ont été découvertes dans une des classes, et d'après ce qu'on a pu savoir de quelques élèves, ils s'apprêtaient à les faire exploser dans le lycée. Pourrissement Contacté par nos soins, la conseillère principale du lycée est venue nous voir avec des documents impliquant un enseignant de physique dans une affaire de mœurs. « C'est de là que mes soucis ont commencé ; j'ai passé dix ans dans cette enceinte et je n'ai jamais eu de problèmes ni avec l'administration, ni avec les enseignants, ni avec les élèves ou leurs parents », nous a-t-elle déclaré. Son récit ne s'arrête pas là. « Cet enseignant a commis des actes immoraux sur des filles des premières classes ; certaines d'entre elles ont écrit au directeur, et leurs pères ont fait de même. J'ai suivi l'affaire, et c'est pourquoi on s'en prend à moi maintenant », a-t-elle ajouté. Elle a exhibé, en outre, des copies des correspondances de trois jeunes élèves ainsi que celles de leurs pères, et affirme être victime d'une machination au sein du lycée. « Il y a même deux enseignantes et un enseignant qui ont menacé les filles et leur ont demandé de retirer leurs plaintes. Ils les ont menacées de souiller leurs réputations entre les postes de police et les tribunaux », poursuit notre interlocutrice. Elle a avancé aussi que la famille de l'une des filles a décidé d'intenter une action en justice contre l'enseignant. A noter que ce même enseignant a déposé plainte contre cinq élèves, auteurs de la chanson citée plus haut, pour atteinte à sa personne. Selon le père de l'un de ces élèves, ces derniers ont été convoqués et entendus par la police, puis l'affaire n'a pas eu de suite. Ce même parent dit s'apprêter à ester en justice l'enseignant pour avoir exercé des pressions psychologiques sur son fils. Face à cet échange d'accusations, l'administration assume-t-elle ses responsabilités ? Au lycée Ali N'mer nous avons vainement tenté d'approcher le directeur de l'établissement pour connaître sa position vis-à-vis ce qui se passe dans l'établissement, mais il a refusé de répondre à nos questions, « avant d'avoir l'aval de la direction de l'éducation », a-t-il argumenté. Ce qui est sûr, c'est que les positions de l'administration du lycée et de la direction de l'éducation se voient affaiblies par leur propre silence.