Témoignage n Harcèlement sexuel, chantage, fausses adresses… sont autant de moyens qu'utilisent certains patrons pour faire tomber les filles diplômées dans leurs filets. Amina, titulaire d'un diplôme de technicien supérieur en planification statistique et qui se dit «expérimentée», témoigne : «Certains employeurs sans scrupule, n'ont pas honte de faire du chantage à des filles ayant un bac+5. Moi, j'ai un bac+3 et j'ai été la victime d'un coup de la part d'un chef d'entreprise indigne.» Je ne suis pas la seule, bien sûr», ajoute-t-elle. Fatima, esthéticienne, dit avoir vécu une très mauvaise expérience. Un jour, elle tombe sur une offre d'emploi dans un journal, et le profil recherché correspondait parfaitement à sa spécialité. Mais quand elle se présente à l'adresse indiquée, point de bureau, point d'entreprise. Soudain, elle aperçoit un homme à bord de sa voiture qui ralentit, braque à droite, longe le trottoir, et la suit lentement sans se soucier qu'elle avait la moitié de son âge. La jeune fille ignore son invite et presse le pas. Le conducteur se met à son niveau, baisse la vitre et lui glisse un «Bonjour, pourquoi ne montes-tu pas ?». Scène des plus banales dans nos quartiers, diront certains. Mais quand cette scène est provoquée par une annonce dans un journal, cela est pour le moins inquiétant. Pis encore, Sihem de Tizi Ouzou, diplômée en sciences économiques, se rend à l'adresse indiquée sur une annonce parue sur le Net. Là, elle tombe nez à nez avec un «monstre» qui la reçoit dans son bureau avant de tenter d'abuser d'elle. Elle n'est ni la première, ni la dernière à subir le comportement désaxé d'un soi-disant «directeur»… Il en va de même pour nombre de filles interrogées sur le sujet et qui s'accordent à dire : «Il semble que cela est devenu la règle.» Un bon nombre d'associations de défense des droits de la femme et leurs centres d'écoute croulent sous le nombre de plaintes concernant des actes de violence, dont le harcèlement sexuel en milieu professionnel. Il s'agit souvent de femmes salariées victimes d'avances de leur patron, de leur supérieur hiérarchique ou de leurs collègues. Celles qui subissent un chantage pour un recrutement restent, quant à elles, dans l'ombre et n'ont pas encore livré tous leurs secrets. Hélas, peu de femmes, pour ne pas dire aucune, osent porter plainte. La raison ? «Cela n'en vaut pas la peine», disent-elles. Certaines, en revanche, cèdent au chantage, surtout lorsqu'elles ont des bouches à nourrir. D'autres résistent, mais le sentiment de culpabilité est là, «toujours présent, toujours assaillant». «Pourquoi moi et pas les autres ?», se disent toutes. Nafissa, 25 ans, est responsable commerciale dans une société de distribution d'électroménagers. Elle garde un souvenir amer de cet emploi, le premier dans sa carrière. «J'ai une licence en gestion commerciale et je suis vendeuse, un métier qui peut être exercé par n'importe qui. Et puis je suis exploitée puisque je ne perçois que de 8 000 DA par mois, juste de quoi couvrir mes charges de transport et de nourriture», décrit-elle. «Et ce n'est pas tout ! Depuis 2007, je suis enseignante contractuelle à Tizi Ouzou sans percevoir un sou. Je suis très déçue mais je ne baisserai pas les bras, je refuse de payer la facture de l'échec du système», dit -elle. Riad, diplômé en sciences de l'information et de la communication, est, depuis quatre ans, gérant dans une agence de communication. «Mon patron a le niveau de classe terminale. Il m'exploite depuis des années, puisque mon salaire ne dépasse pas les 10 000 DA.»