La réunion ordinaire des ministres des Affaires étrangères de dimanche, à Rabat, fut une bonne occasion pour Mourad Medelci de faire une sérieuse mise au point à la suite de la virulente campagne de provocation lancée par le Maroc contre l´Algérie. Cette campagne insidieuse a été relancée depuis que la question de la surveillance des droits de l´homme au Sahara occidental a été soulevée par l´administration américaine. Dans sa paranoïa, le royaume marocain y a vu, ou a voulu le faire croire, comme toujours, la «main algérienne» derrière cette initiative inédite. Dans sa farouche détermination à vouloir détourner les regards de la communauté internationale en pointant du doigt l'«ennemi extérieur», le Maroc a perdu ses repères diplomatiques commettant erreur politique sur erreur politique. Celle par laquelle le secrétaire général de l´Istiqlal, Hamid Chebat, le parti du Royaume, a demandé l´annexion de Tindouf, Kenadza et Béchar par le Maroc, ne fut pas la moindre. Medelci n´a pas fait l´impasse là-dessus. Les propos de certains responsable politiques marocains sont à ses yeux «inacceptables» ! Il fallait le dire et, à Rabat, d´autant que l´un des artisans de cette campagne de provocation, un ami du roi, a estimé traduire le «sentiment profond de tous les Marocains». Ni le palais royal, ni le gouvernement marocain n´ont cru devoir réagir ou prendre leurs distances par rapport à des propos irresponsables. Se démarquer de cette provocation vieille d´un demi-siècle Aux yeux du gouvernement algérien, la question est simple. Ou le secrétaire général de l´Istiqlal a commis un «raté» personnel ou il a parlé au nom de tous. C´est dire aussi au nom du roi, du Premier ministre, de la classe politique marocaine dans son ensemble et, bien sûr, le peuple marocain. Par le silence, la première impression est que Rabat couvre cette «revendication» qui s´était traduite, il faut le rappeler, par l´occupation par les Forces armées royales de cette partie du territoire national, en 1963, à peine le pays sorti d´une longue guerre de Libération nationale. La réplique des djounoud de l´ALN, avec des moyens militaires disproportionnés, a été d'une grande bravoure. Quelques années plus tard, l´Algérie s´est dotée d´une arme moderne. Depuis, le Maroc a réfléchi et évalué la force et les capacités technologiques de l´Armée nationale populaire (ANP) créée par Houari Boumediène. Et C´est très sage. La mise au point de Mourad Medelci est un avertissement contre toute intention de réveiller les vieux démons et les tentations expansionnistes du passé. A Rabat, les chefs de la diplomatie maghrébine étaient là pour parler d´intégration régionale et d´avenir commun. Le ministre algérien des Affaires étrangères s´est demandé, légitimement, comment les relations bilatérales entre Alger et Rabat peuvent-elles avancer dans un climat aussi peu propice à l´entente et à la cohésion régionale ! Alger a donc fini par montrer les lignes rouges. Plus de dérapage ni de provocation. Rappel à l'ordre du Maroc Le Maroc a été, également, rappelé à l´ordre dans sa persistance à vouloir toujours présenter son conflit avec le Front Polisario comme un contentieux entre les deux pays. Cette question est, pourtant, soulevée et débattue entre les deux protagonistes dans le cadre de l´ONU, l´Algérie, elle, n´étant pas concernée, tout en restant attachée au principe de base du droit du peuple sahraoui à disposer de son destin. La diplomatie algérienne a dû le rappeler encore une fois pour éviter tous les amalgames. Visiblement, les responsables politiques marocains ont raté une nouvelle fois le rendez-vous avec le Maghreb. Plaider dans les conditions actuelles pour la réouverture immédiate de la frontière terrestre par où transitent les armes pour le terrorisme et se fait le trafic de drogue en direction de l´Europe, tout en poursuivant une campagne de dénigrement sans raison contre le voisin, est une approche diplomatique peu réaliste. La stabilité, la paix, la sécurité régionale et l´intégration de l´ensemble maghrébin commun est une initiative qui doit revêtir un aspect global. Une stratégie qui réponde aux intérêts communs, non à ceux exclusifs d´une partie qui, de surcroît, fait tout pour décourager les meilleures prédispositions du voisin en faveur de la normalisation des relations bilatérales. Le Maroc a donc été invité à revoir ses calculs. A montrer plus de cohésion dans sa démarche diplomatique au niveau bilatéral. Et plus de sincérité. A ne plus inspirer ou commanditer des brûlots comme celui qui a prêté l´intention au Pentagone de mettre en place avec l´Espagne une force d´intervention rapide de 400 marines, pour soi-disant évacuer les ressortissants américains établis dans notre pays. Medelci ne l´a pas dit en ces termes à Rabat, mais c´est à peu près ce message qu´il a adressé, dimanche, aux Marocains : on ne fait pas de diplomatie avec des fantasmes et de la provocation.