L'urgence de rendre plus performants les rendements agricoles est de plus en plus ressentie, particulièrement en ce qui concerne les produits stratégiques, notamment le lait. 27 des 46 milliards de dinars de subventions pour la filière sont destinés à la poudre de lait. Sur les marchés internationaux, entre janvier et mars, le prix de la tonne de poudre de lait a augmenté de 60%, faisant grimper la facture d'importation d'un aliment qui pourrait être produit localement. D'où l'urgence d'une prise en charge effective de la filière. Les producteurs qui travaillent essentiellement avec de la poudre de lait importée avertissent : «Dans quelques années, voire quelques mois, nous ne trouverons plus de poudre de lait sur le marché. Certains de nos fournisseurs nous l'ont souligné», relève Fawzi Berkati, directeur général de Tchin-Lait (Candia). «Entre janvier et mars, le prix d'une tonne de poudre de lait a augmenté de 60%. Avec 6000 dollars la tonne, les cours ont flambé. En plus de cette hausse, il n' y a pas de disponibilité», précisera-t-il dans le même sillage. La poudre de lait se fait donc de plus en plus rare sur le marché et de surcroît se vend de plus en plus cher. Un récent rapport de la Banque mondiale (BM) ne manque pas de le souligner. La BM met en effet en garde contre le risque d'insécurité alimentaire dans les prochaines années. Pour la BM, si des investissements substantiels et d'autres actions n'étaient pas entrepris à l'échelle mondiale, le risque sera très important. La production devra augmenter de 70% pour pouvoir répondre à cette demande à venir. Le contexte international joue donc en défaveur de l'Algérie, fortement dépendante des importations de matières premières alimentaires. La flambée des prix des matières laitières n'est pas l'unique difficulté des industriels laitiers. C'est à toute une série de problèmes que font face ces derniers. Le patron de Candia met en exergue les conditions. Pour M. Berkati, il ne suffit pas d'importer des vaches pour améliorer la production du lait. C'est un processus à suivre, selon lui, notamment en ce qui concerne les conditions d'élevage. «L'hygiène fait défaut, il faut le reconnaître», rappellera-t-il, notant que c'est plus facile de travailler avec la poudre pour la production du lait UHT (Ultra haute température) qu'avec l'intégration du lait cru qui présente d'importantes charges bactériennes. C'est à ce niveau que le déficit en formation chez les éleveurs se fait ressentir. Un point que soulèvent d'autres producteurs. «Les directions des services agricoles (DSA) ne sont pas outillées pour contrôler le lait à la source», regrette un producteur de fromage basé à Tizi Ouzou. Un avis partagé par d'autres producteurs et même par les experts. Fouad Chehat, directeur de l'Institut national de recherches agronomiques (INRA) estime pour sa part que le poids de l'informel dans les circuits de collecte est important et sans aucun contrôle. Ce qui présente un risque pour la santé publique, selon la même source. «Les pouvoirs publics sont donc appelés à renforcer les moyens de contrôle tout en jouant sur l'amélioration des rendements laitiers. Mais, entre les discours et la réalité, il y a un déphasage», regrette un autre industriel. Du côté du groupe privé Soummam, implanté dans la zone industrielle d'Akbou à Béjaïa, les conditions dans lesquelles évolue l'industrie laitière sont également jugées difficiles. Face à une telle situation, le groupe spécialisé dans les dévirés du lait (en attendant le lancement prochain du lait UHT avant le mois de Ramadhan) travaille directement avec 6000 éleveurs. Ayant intégré le lait cru dans sa production depuis deux ans, Soummam achète à la source 600 000 litres de lait par jour à travers 38 centres de collecte réalisés dans le pays (Béjaïa, Tizi Ouzou, Bordj Bou Arréridj, Sétif, M'sila, Constantine, Relizane…). Parallèlement, le groupe s'est lancé dans l'élevage de 5500 vaches laitières, en attendant l'expansion. Mais le problème du foncier bloque l'initiative, selon le premier responsable de l'entreprise, Lounis Hamitouche, qui relèvera des entraves administratives, notamment en ce qui concerne les questions fiscales. «On nous demande de payer les impôts sur l'aliment de bétail acheté et donné aux éleveurs. Les ministères de l'Agriculture et des Finances se rejettent à chaque fois la balle», notera-t-il avant de résumer : «Améliorer la production laitière c'est possible. La preuve, nous avons enregistré un excédent de collecte de 200 000 litres par jour en 2012. C'est pour cela que nous avons décidé de lancer le lait UHT, un projet pour lequel nous avons lancé une station de collecte de 800 000 litres/ jour à Akbou. Mais c'est à l'Etat de jouer le jeu. ». «D'ici à 2015, on peut même transformer le lait cru en poudre, comme l'ont fait d'autres pays voisins. Qu'on nous laisse travailler», conclura M. Hamitouche.