Après des années de baisse des ventes des journaux et des revenus publicitaires, les patrons de la presse mondiale réunis à Bangkok ont enfin une bonne nouvelle à partager: les lecteurs semblent de plus en plus enclins à payer pour avoir accès aux informations en ligne. Liberté de la presse, sécurité des journalistes, nouvelles technologies et futures tendances sont au menu du congrès annuel de l'Association mondiale des journaux et éditeurs de médias d'information (Wan-Ifra) qui rassemble jusqu'à mercredi plus de 1.500 rédacteurs en chef, responsables commerciaux et dirigeants d'entreprises de presse. Sans oublier la question du paiement pour l'accès aux versions électroniques des quotidiens et magazines, primordiale alors que la presse continue à perdre des lecteurs traditionnels, au moins dans les marchés les plus anciens. "L'impression générale était qu'il serait impossible d'inverser la culture des contenus (en ligne) gratuits (...), que les gens ne paieraient jamais pour ça", commente Gilles Demptos, de Wan-Ifra. "La bonne nouvelle, c'est que cela change de façon spectaculaire", ajoute-t-il, notant l'envolée des abonnements en ligne pour le journalisme "de haute qualité" du New York Times et du Financial Times. Le mois dernier, le New York Times est devenu le deuxième quotidien américain le plus lu, avec une diffusion de plus d'un million, encouragée par 325.000 lecteurs électroniques abonnés depuis la mise en place du système en 2011. Pour 35 dollars (environ 27 euros) par mois, les abonnés ont un accès illimité au journal en ligne et aux applications pour téléphones portables. Les lecteurs moins assidus peuvent consulter dix articles par mois gratuitement. Encouragé par ce succès apparent du contenu payant, la tendance aux abonnements en ligne, complets ou à l'article, décolle. Même si la prudence reste de mise alors que nombre d'éditeurs gardent secret leur nombre d'abonnés payants. Les journaux n'ont pas vraiment le choix, souligne Demptos, les annonceurs continuant de rechigner à payer aux éditeurs ce qu'ils réclament pour les publicités en ligne. "On dit souvent qu'un dollar sur papier, c'est dix fois moins en ligne". Faute de publicité suffisante, le principal éditeur américain, Gannett Company, a donc mis en place des abonnements sur ses 80 sites. Et à Hong Kong, les paiements à l'article du South China Morning Post compensent le déclin publicitaire. Mais cette poussée d'optimisme pourrait ne fonctionner que pour les titres haut de gamme, selon les analystes. "Il y a beaucoup de journaux pas très bons qui essaient de faire payer et je ne pense pas que cela va marcher", relève Jeff Jarvis, blogueur et commentateur des médias à City University, à New York. "L'engouement" pour l'accès payant pousse le secteur à "reproduire son vieux modèle économique dans une nouvelle réalité électronique", poursuit-il, notant que le véritable problème reste le manque de relations avec les communautés en ligne. Ces internautes jeunes et férus de nouvelles technologies cherchent de plus en plus leurs informations sur des sites comme BuzzFeed.com ou Reddit, qui mettent en avant ce que les lecteurs plébiscitent. Les journaux devraient en priorité "construire une relation plus forte avec le public que nous servons", insiste Jarvis, estimant qu'un succès à cet égard déterminerait les chances de survie à long terme. Mais la situation n'est pas sombre partout. Dans les économies émergentes d'Asie aux populations de plus en plus instruites, de nombreux marchés de la presse imprimée sont en pleine expansion. "C'est toujours un marché en croissance, encouragé surtout par la Chine, l'Inde et l'Indonésie", assure Pichai Chuensuksawadi, rédacteur en chef de Post Publishing en Thaïlande, qui inclut le quotidien Bangkok Post. "J'ai une confiance absolue en l'Asie".