Quinze ans sont passés depuis le lâche assassinat du chanteur kabyle Matoub Lounès, un certain 25 juin de l'année 1998. L'anniversaire de la disparition de cet artiste engagé est une date phare en Kabylie. Elle ne passe jamais inaperçue. Chaque année à cette occasion, des milliers de fans épris et assoiffés de justice et de liberté se rendent au village natal de Matoub Lounès, Taourirt Moussa Ouamar, à Beni Douala. Matoub Lounès a choisi d'être enterré juste à côté de sa demeure. L'épitaphe érigée à sa mémoire est devenue, depuis le premier jour de son enterrement, un lieu de pèlerinage. Hier encore, des centaines de personnes venues de toutes les contrées de la Kabylie se sont recueillies sur sa tombe, en dépit d'une chaleur brûlante. Les visiteurs et les fans de Matoub sont venus de Sétif, Bouira, Béjaïa, Boumerdès, Alger, Blida et certaines autres régions du pays afin de rendre un énième hommage au Rebelle qui n'a jamais abdiqué, de son vivant, devant ses ennemis et adversaires. Un courage qui a fait de lui le chanteur le plus populaire et le plus connu en Algérie. «Ce n'est pas seulement le talent artistique et les belles chansons de Lounès qui ont fait de lui une personnalité célèbre. Son courage exemplaire et son combat noble pour les droits de l'homme et la lutte sans relâche pour la reconnaissance de tamazight lui ont donné un charisme et une personnalité influente au sein de la société», nous dira hier à Taourirt Moussa, l'écrivain journaliste Aomar Mohelbi qui a fréquenté le défunt de son vivant. «Matoub était conscient de son influence sur la société kabyle, malheureusement il a été tué au moment où il pouvait donner plus pour son pays et le combat démocratique», ajoutera notre interlocuteur. «J'étais toute la journée avec lui la veille de son assassinat. Contrairement à ses habitudes, Lounès était vraiment triste et n'a pas beaucoup parlé ce jour-là. On dirait qu'il savait qu'on allait le tuer», racontera avec émotion Aomar Mohelbi. Hier à Taourirt Moussa, la demeure de Matoub était noire de monde. Mais le plus remarquable est la présence des moins jeunes qui n'avaient même pas cinq ans lorsque Matoub a quitté ce monde. «J'ai 15 ans et je suis venu spécialement de Blida pour assister aux festivités organisées à l'occasion de l'assassinat du Rebelle. Pour moi, c'est le meilleur chanteur algérien de tous les temps», nous dira Nadir hier, juste après avoir déposé une rose sur la tombe de son idole. La sœur de Lounès, Malika Matoub, a tenu à remercier tous ceux qui sont venus hier rendre hommage à son frère. «Je suis heureuse ; comme si mon frère venait de renaître en voyant autant de monde venir nous réconforter. Matoub est le frère de tous les Algériens», dira Malika. Quant à sa mère, Aldjia, elle réclame toujours la vérité sur l'assassinat de son fils. «Ceux qui ont tué Lounès ne sont pas encore connus. Je continuerai à combattre jusqu'à mon dernier souffle pour l'éclatement de la vérité. J'appelle encore une fois la justice algérienne à rouvrir le dossier sur l'assassinat de mon fils», dira d'un air empreint de colère et de tristesse la mère de Lounès. Des officiels pour la première fois à Taourirt Moussa Pour la première fois depuis l'assassinat de Matoub Lounès en 1998, des officiels se sont déplacés à la demeure du Rebelle pour assister officiellement à l'hommage qui lui a été rendu hier. Il s'agit du chef de daïra de Beni Douala, du P/APC d'Ath Mahmoud et de celui de Beni Douala. Même la sœur de Lounès a réagi : «J'espère qu'un jour mon frère sera reconnu par son pays à sa juste valeur», dira-t-elle. Par ailleurs, il est à signaler que Matoub Lounès a été hyper médiatisé cette année avec l'arrivée des nouvelles chaînes de télévision sur la scène médiatique algérienne. C'est la première fois dans l'histoire que la presse audiovisuelle algérienne consacre une couverture aussi importante à Matoub Lounès. Pratiquement, l'ensemble des chaînes ont réalisé des émissions diffusées à des heures de grande écoute sur la vie et l'œuvre de Matoub Lounès. De son vivant, les médias avaient toujours boudé Lounès Matoub. «Au début de ma carrière artistique, aucun journaliste ne m'approchait et personne ne s'intéressait à mon combat, mais par la suite c'est moi qui boudais la presse et la télévision algérienne», a déclaré le Rebelle en 1995 dans un quotidien algérien. Selon sa sœur, le premier journaliste algérien qui a osé consacrer un long article sur Lounès Matoub, était l'actuel directeur du journal Algérie News, Hmida Layacha, en 1988. Et depuis, le tabou a été cassé sur la médiatisation de Matoub Lounès.