On les trouve partout. Dans les marchés, sur les trottoirs, dans les jardins et places publiques. Ils vendent, c'est selon, des cigarettes et des bonbons, du persil ou du pain traditionnel, des fruits et légumes de saison, au gré du temps. La plupart, âgés entre 7 et 12 ans, vivent d'expédients pour subsister et, souvent, nourrir une famille composée de plusieurs personnes. Amine, un enfant âgé de 7 ans, habite à Bouaiche, une cité champignon née durant la décennie noire et constituée d'innombrables bidonvilles occupés par des familles rurales que l'insécurité a poussées vers les faubourgs des grandes villes. C'est ici où l'on recense le plus grand nombre d'enfants travailleurs que l'on rencontre partout dans la ville de Sidi Bel Abbès. Amine nous a accompagnés jusqu'à sa demeure, un petit «haouche» en ciment. Cette maisonnette traditionnelle, c'est la matérialisation du grand rêve de cette famille après de longues années passées dans une baraque. Confrontée à la dure réalité de la vie, cette famille a dû se rendre à l'évidence qu'elle ne pourrait jamais habiter un logement décent. Abordant le sujet du travail de ses enfants, Yamna, mère de neuf enfants dont l'aîné est âgé d'à peine 13 ans, nous a déclaré, non sans peine, que plusieurs enfants de ce quartier travaillent pour aider leurs parents. Son époux ne travaille pas et c'est la raison qui l'a poussée à encourager son fils Amine à «travailler». Des conditions sociales difficiles Cependant, des voisins du jeune Amine nous ont affirmé que son père est un alcoolique et qu'il oblige ses enfants à travailler, sinon il les bat, eux et leur mère. Beaucoup parmi les enfants de ce village, situé à 6 kilomètres de Sidi Bel Abbès, ont interrompu leur scolarité à un âge précoce. Kadour, père de 6 enfants dont 4 ont abandonné leurs scolarité pour aller travailler, dit qu'il n'a pas à se plaindre. «Ils ont tous un salaire régulier et les études ne sont plus synonymes de réussite sociale», nous déclare-t-il. Dans cette commune, le béton a remplacé le zinc. Les habitants les mieux lotis se réchauffent à l'aide d'une résistance électrique, les autres autour d'un feu de bois. Vêtu d'un survêtement, d'une paire de bottes en caoutchouc et d'un bonnet en laine rouge, Malik, onze ans, presse le pas pour arriver à l'heure à l'école. Une scolarité écourtée «Le gardien ferme la porte à 14 h. Il ne tolère aucun retard», nous a-t-il lancé, ajoutant qu'à l'école, «ça ne se passe pas bien». L'enfant précise n'avoir personne pour l'aider à faire ses devoirs. «A la maison, il est difficile de se concentrer sur les études», nous sommes sept personnes à occuper une pièce et une cuisine seulement», explique-t-il. Cet enfant reste convaincu que l'école est un passage obligé de la vie, mais qu'il faut néanmoins écourter. Triste perception des choses. «La majorité des enfants de notre village quittent l'école avant la 6e année fondamentale. Ils préfèrent travailler et subvenir aux besoins matériels de leurs familles», nous dit Malik d'une voix à peine audible. Ces mineurs occupent le bas de l'échelle. Ils sont vendeurs de cigarettes, receveurs dans des minibus privés ou encore «ramasseurs» de pain sec. «En moyenne, je gagne 200 DA par jour. De cette façon, je contribue à subvenir aux besoins de ma famille. Mon père est contractuel dans un chantier de construction. Il ne gagne que 6000 DA par mois. C'est maigre pour une famille de onze membres», nous dit Mehdi, douze ans, un autre «enfant adulte».Pour Mehdi, quitter l'école était une manière de s'affirmer et de s'inscrire dans une logique sociale. «L'école n'est pas faite pour les gens comme nous. Mon père ne peut me garantir à chaque rentrée scolaire un cartable, des fournitures scolaires, des habits, etc. Si j'étais leur seul enfant, les choses ne seraient pas aussi compliquées. Nous sommes neuf frères et sœurs. J'aurais aimé avoir une scolarité normale, mais c'est comme ça et pas autrement», conclut-il. Le cas de Mehdi n'est qu'un exemple parmi tant d'autres. Ils sont en effet des centaines d'enfants à vivre la même situation. Travailler est devenu leur «jeu» favori. Un jeu de survie, dans un lieu où la misère est palpable.