Des affrontements entre forces de l'ordre et partisans et adversaires du président égyptien déchu Mohamed Morsi ont fait sept morts et 261 blessés durant la nuit de lundi à mardi au Caire, rapporte le responsable des services d'urgence. Les forces de l'ordre ont procédé en outre à l'arrestation de "401 fauteurs de troubles", dit l'agence de presse officielle Mena. Selon les indications données par Mohamed Sultan, deux personnes ont été tuées près d'un pont du centre de la capitale égyptienne et cinq autres dans le quartier de Gizeh. Ces batailles de rue, qui ont duré jusqu'aux premières heures de la matinée, sont les violences les plus meurtrières depuis la fusillade qui avait éclaté devant une caserne de la Garde républicaine au Caire le 8 juillet. Une cinquantaine de partisans de Mohamed Morsi avaient péri sous les balles. Lundi soir, des dizaines de milliers de partisans des Frères musulmans s'étaient massés aux abords de la mosquée Rabaa Adaouia, dans le nord-est du Caire, où ils observent un sit-in en demandant le rétablissement dans ses fonctions de Mohamed Morsi, déposé par l'armée le 3 juillet. Ces violences, survenues alors que le secrétaire d'Etat adjoint américain William Burns était accueilli sans enthousiasme, éclipsent les efforts du pouvoir pour nommer un gouvernement de transition. "L'EGYPTE EST FOUTUE" Le porte-parole de la présidence a fait savoir que des portefeuilles ministériels avaient été proposés à des membres des Frères musulmans, le mouvement de Mohamed Morsi, ainsi qu'au parti salafiste Al Nour, deuxième parti islamiste d'Egypte après la confrérie. "Nous espérons que la majeure partie des courants islamistes prendront part à la réconciliation, y compris les Frères musulmans", a dit le porte-parole, Ahmed Elmoslmany. Les Frères musulmans comme Al Nour ont d'ores et déjà refusé d'entrer au gouvernement de transition d'Hazem el Beblaoui, même si les salafistes n'excluent pas une certaine coopération avec lui. Au lever du jour, le calme était revenu dans les rues du Caire. Les troubles de la nuit ont été plus localisés que ceux survenus après le renversement de Mohamed Morsi, lors desquels 92 personnes avaient trouvé la mort. Les Egyptiens doutent toutefois de la capacité des autorités à rétablir l'ordre à travers le pays, d'autant plus qu'un dirigeant des Frères a appelé début juillet au "soulèvement". "Nous étions accroupis, en prières. Soudain, des tirs ont éclaté. On a levé les yeux : les policiers sur le pont tiraient des gaz lacrymogènes dans notre direction", a raconté un partisan de Mohamed Morsi, Adel Asman, qui toussait, crachait et se versait du soda sur les yeux pour atténuer l'effet des gaz. "J'en ai assez de ce chaos," se lamentait Ashraf Mohamed, qui a observé les affrontements de loin. "L'Egypte est foutue". LA VISITE DE BURNS BOUDEE ? Aux premières heures de la journée, des jeunes gens ont lancé des pierres en direction des policiers et scandé des slogans hostiles à l'armée et favorables à Mohamed Morsi, ainsi que "Allahou Akbar" (Dieu est grand). Si la situation s'est polarisée de plus en plus depuis que Mohamed Morsi a été déposé, les deux camps partagent une même et profonde méfiance envers les Etats-Unis et le rôle qu'ils auraient joué dans les récents événements. William Burns a déclaré à la presse que Washington ne voulait pas s'immiscer dans les affaires de l'Egypte, dont l'armée est la principale bénéficiaire de l'aide américaine : 1,3 milliard de dollars sur les 1,5 milliard d'aide annuelle versée par les Etats-Unis vont à cette institution. "Seuls les Egyptiens sont à même de définir leur avenir", a dit le diplomate aux journalistes à l'ambassade des Etats-Unis. Washington s'est refusé pour l'heure à dire s'il considérait la chute de Morsi comme un coup d'Etat. Si c'était le cas, cela impliquerait un arrêt de l'aide américaine au Caire. Les salafistes d'Al Nour et le mouvement de protestation anti-Morsi Tamarod (Rébellion) ont déclaré l'un et l'autre avoir décliné l'invitation à rencontrer William Burns. Un responsable du département d'Etat a démenti que la visite de Williams Burns ait été boudée par les Egyptiens. "Je ne pense pas du tout que nous soyons en perte d'influence", a-t-il dit, en ajoutant que William Burns se trouvait toujours mardi au Caire où il poursuivait ses rencontres.