L'armée tunisienne a lancé vendredi une offensive aérienne et terrestre contre les groupes armés islamistes retranchés dans le Djebel Chambi, un massif montagneux près de la frontière algérienne, après de violents combats la nuit dernière dans cette région. Cette opération militaire intervient en pleine crise politique à Tunis, à la suite de l'assassinat fin juillet de l'opposant laïque Mohamed Brahmi. L'opposition réclame la démission du gouvernement conduit par les islamistes modérés d'Ennahda et la dissolution de l'Assemblée nationale constituante (ANC). De grandes manifestations rivales sont prévues durant le week-end. Lundi dernier, huit soldats tunisiens ont été tués, et certains ensuite égorgés, par des "terroristes" dans le djebel Châambi, qui culmine à plus de 1.500 mètres dans l'ouest du pays. Des affrontements ont lieu dans ce secteur depuis décembre dernier. Des témoins ont fait état vendredi de bombardements aériens contre des grottes qui serviraient de refuge aux islamistes. "Une importante opération militaire avec la participation d'unités terrestres et aériennes a débuté vendredi à l'aube", a déclaré le porte-parole du ministère de la Défense, Taoufik Rahmouni. Il a précisé qu'entre 15 et 20 membres d'un "groupe terroriste" étaient cernés par les soldats. L'armée a maintenant établi un cordon de sécurité autour de la région et elle mène des fouilles dans les localités voisines. On ne dénombre pour l'instant aucune perte ou arrestation", a ajouté le porte-parole. À Kasserine, au pied des monts Châambi, les forces de sécurité ont mené une opération dans une mosquée et arrêté 12 salafistes, a cependant rapporté un témoin. Selon une source au sein des services de sécurité algériens, des Tunisiens, des Algériens et des Libyens figurent parmi les militants islamistes du djebel Châambi. "Ils sont lourdement armés, probablement avec du matériel venant de Libye. Nous faisons de notre mieux pour aider la Tunisie mais nous ne pouvons intervenir sur son territoire", a-t-on ajouté de même source. EN PLEINE CRISE POLITIQUE Le ministère de l'Intérieur a annoncé vendredi l'arrestation d'un militant salafiste qui confectionnait un engin explosif dans la ville de Menzel Bourguiba, à 60 km au nord de Tunis. Selon les médias locaux, l'homme a eu une main arrachée par l'explosion de la bombe qu'il était en train de préparer et a été hospitalisé. Un autre salafiste a trouvé la mort déchiqueté par l'explosif artisanal qu'il était en train de fabriquer à son domicile, a ajouté le ministère de l'Intérieur. Son épouse a été blessée dans l'explosion qui a eu lieu à La Manouba, à la périphérie de la capitale. Le Premier ministre Ali Larayedh, membre d'Ennahda, discutera de la situation militaire et de la crise politique avec les partis d'opposition samedi, ont annoncé ses services. Il devrait ensuite s'adresser à la population. Depuis l'assassinat de Mohamed Brahmi, attribué par les autorités aux salafistes, l'opposition tunisienne réclame la formation d'un gouvernement d'union nationale. Vendredi, l'Union générale tunisienne du travail (UGTT) a adressé un ultimatum au gouvernement dirigé par les islamistes modérés du parti Ennahda, lui donnant une semaine pour former un cabinet de techniciens. En cas d'échec de son rôle de médiation entre le pouvoir islamiste et l'opposition laïque, le puissant syndicat, qui revendique 600.000 membres, affirme qu'il se verra "obligé d'envisager" d'autres options. L'opposition laïque exige, en plus d'un nouveau gouvernement, la dissolution de l'ANC alors que quelques semaines suffiraient pour achever de rédiger la nouvelle loi fondamentale du pays. Mohamed Brahmi est le deuxième dirigeant de l'opposition tué en six mois à Tunis, après le meurtre de Chokri Belaïd le 6 février dernier. L'appel à une journée de grève la semaine passée a coûté cher au pays et fait chuter la monnaie locale à un plus bas historique face au billet vert. Ces tensions politiques se sont traduites par des violences lors de rassemblements de l'opposition dans plusieurs villes du pays. Trois personnes ont été blessées jeudi lors de heurts entre manifestants pro et antigouvernementaux dans la ville touristique de Sousse.