Qu'il s'agisse de l'entité mère ou de ses déclinaisons régionales, Al Qaïda est condamné irrémédiablement au «déclin». Vers 2025, le mouvement qui a inspiré le plus grand nombre d'écrits dans l'histoire de la subversion et de la violence islamiste aura vécu. Ou, à tout le moins, perdu de ses capacités de frappe au point de chuter dans la hiérarchie des mouvements violents. Sans attendre l'échéance 2025, la CIA parle d'une mouvance en phase d'affaiblissement. D'ores et déjà «vieillissant», le groupe souffre d'une tare «stratégique qui pourrait le condamner au déclin, ce qui écourterait la vague terroriste islamiste». Dans les bureaux protégés de la centrale, les analystes sont de plus en plus nombreux à ne plus partager la lecture émise par certains experts, selon laquelle la lutte contre Al Qaïda «se prolongera indéfiniment». Le Renseignement américain emprunte, dans ce registre, aux projections d'autres spécialistes, auteurs d'études fournies à partir d'expériences terroristes plus anciennes. «Une vague de terrorisme est un cycle d'activité — qui peut durer une quarantaine d'années — caractérisé par des phases d'extension et de contraction : montée en puissance, marée de violence et reflux.» Inspirée des convictions du professeur David C. dans son rapport de l'université de Californie, à Los Angeles, la CIA estime que «les groupes terroristes qui forment la crête de la vague», comme c'est le cas du mouvement de Ben Laden, «se dissolvent généralement avant la disparition de la vague elle-même, et contribuent à cette disparition». A l'aube de 2009, Al Qaïda apparaît aux yeux de la communauté américaine de renseignement comme un mouvement en difficulté. Même s'il continue de provoquer des dommages ici et là, et même si sa dangerosité demeure avérée, ses faiblesses ne se comptent plus. Outre des «objectifs stratégiques hors de portée», il se montre «incapable» de se doter d'une «large base populaire» et se livre à des «actions autodestructrices». Combinées les unes aux autres, ces faiblesses «pourraient entraîner sa disparition plus vite qu'on ne le croit». Selon la CIA, en dépit de la «sympathie» suscitée par certaines de ses idées et l'émergence de groupes affiliés au Proche-Orient et au Maghreb, Al Qaïda «n'a pas réussi à élargir son assise dans le monde musulman». Son idéologie et sa politique «violemment panislamistes ne séduisent qu'une faible minorité de musulmans». En témoignent, selon les rédacteurs du «Nouveau rapport de la CIA», les résultats d'une enquête d'opinion sur la perception d'Al Qaïda et de sa stratégie par les opinions publiques arabes. La CIA ne fournit aucune indication sur la date de ce sondage d'opinion et les équipes qui l'ont mené. Réalisé, entre autres, en Algérie, au Maroc, en Egypte, en Jordanie, en Arabie Saoudite, au Koweït, au Liban, au Qatar, aux Emirats arabes unis et au Yémen, il dessine une tendance conforme aux hypothèses de la centrale. «Al Qaïda jouirait d'un soutien très faible chez les personnes interrogées» dans ces pays. «Les majorités (y) sont opposées à la violence djihadiste sur leur propre sol, quel que soit le groupe concerné».