La journaliste et écrivaine, Françoise Giroud, décédée dimanche près de Paris à l'âge de 86 ans, a été la seule femme à diriger en France, un grand organe de presse durant vingt ans, L'Express, fondé en 1953 avec Jean-Louis Servan-Shreiber. Les journalistes qui l'ont côtoyée gardent d'elle l'image «d'une professionnelle au sens de l'observation remarquable, vu qu'elle avait un flair étonnant pour prévoir et disséquer les phénomènes de société». Valéry Giscard d'Estaing l'entraîna le premier vers la politique. Elle occupa les postes de secrétaire d'Etat à la Condition féminine (1974-76) et à la Culture (1976-77). Mme Giroud, auteur d'une vingtaine d'ouvrages, était éditorialiste de la télévision au Nouvel Observateur depuis 1983. Née à Genève le 21 septembre 1916, dans une famille aux origines russe et turque, Françoise Giroud, de son vrai nom, France Groudji, débute sa vie professionnelle à l'age de seize ans comme sténo dactylo, puis comme script-girl au cinéma, aux côtés de Marc Allegret puis de Jean Renoir. Pendant la Seconde Guerre mondiale, elle est agent de liaison dans la résistance. Arrêtée par la Gestapo en 1943, elle est incarcérée à Fresnes. A sa libération, elle entame une carrière de journaliste à Elle, où Hélène Lazareff la fait venir comme directrice de la rédaction (1946 -1953). Elle écrit également pour l'Intransigeant et France Soir, et brosse des portraits de personnalités pour France- Dim. En 1953, commence l'aventure de L'Express. Elle sera directrice de la rédaction du premier News Magazine français, puis directrice de la publication à partir de 1971, tout en présidant le groupe éditeur Express-Union (1970-74). L'Histoire retiendra que, dès le début des années 50, cette dame s'est opposée à la pratique de la torture en Algérie. Une position courageuse qu'elle adopta aux côtés d'autres intellectuels français comme Jean-Paul Sartre et d'anciens résistants. L'opinion française, alors favorable au maintien de la France en Algérie, était loin de se préoccuper des questions de droits de l'Homme. Plus tard, quand le passé noir de la France coloniale resurgit avec l'affaire Aussaresses, Françoise Giroud n'a nullement accablé Mitterrand - qui était garde des Sceaux à l'époque, à Alger. «Il préférait protéger et gérer une carrière politique naissante que de faire des déclarations politiques fracassantes à propos des dépassements d'une armée coloniale», avait-elle suggéré de son vivant. Au plus fort du débat sur la torture, elle a dit: «Il y avait aussi un homme dont on est surpris que le nom n'aie pas été cité: c'est Jaques de Bollardière.» L'anti-Aussaresses type, le général le plus décoré de la France libre, qui condamna la torture et fut sanctionné pour cela de deux mois de forteresse.