La Centrale syndicale veut se comporter en superparti politique. Selon des sources crédibles, l'Ugta, la plus puissante des organisations syndicales, va faire campagne contre le Président de la République : c'est ce que déclare un membre d'une union locale, qui est allé jusqu'à soutenir qu'une orientation officielle a été donnée dans ce sens par les instances dirigeantes de l'Ugta. Cette information ne peut, en fait, étonner personne. Les dernières «poches de résistance» syndicales au programme de réforme ont besoin de ce «saut périlleux», aux enjeux encore mal définis, pour garder toute latitude et une marge de manoeuvre assez large pour procéder à tout revirement. Cela fait aujourd'hui plusieurs mois que l'Ugta affiche une opposition farouche à Chakib Khelil et Hamid Temmar, les deux hommes forts du Président, en même temps qu'elle exprime, en des termes à peine voilés, son hostilité aux grandes lignes directrices, politiques et économiques du Président Bouteflika, notamment en ce qui concerne la réalisation des grands projets pétroliers avec des compagnies étrangères, les concessions, l'assainissement des «entreprises-mastodontes» (dont Snvi), les privatisations, etc. C'est-à-dire autant de dossiers chauds sur lesquels la Centrale syndicale risque de laisser peau et plume s'ils sont menés à terme». Paradoxalement, la virulence affichée par la direction de l'Ugta a épargné jusque-là le Chef du gouvernement, Ali Benflis, qui, au contraire, a bénéficié de propos élogieux de la part de Sidi Saïd. Celui-ci, a plusieurs reprises, a violemment pris à partie les ministres du Président, et, par ricochet, celui-ci, tout en prenant bien soin de ne pas lacérer le Chef du gouvernement. Cette attitude a déjà poussé certains observateurs à dire que l'Ugta a choisi son «présidentiable» et procède par petites touches à promouvoir son image de marque auprès des travailleurs. La Centrale syndicale veut se comporter en superparti politique depuis que les réformes économiques bloquent, que les investissements et capitaux étrangers tardent à se concrétiser sur le terrain ou arrivent au compte-gouttes, et que le gouvernement, contraint de cesser les hostilités afin d'apaiser la tension sociale, fait les yeux doux au monde du travail. Cette tendance de la part de la Centrale syndicale est accentuée par l'indigence de la vie politique et l'insignifiante activité des partis, aussi bien ceux de l'opposition que ceux qui soutiennent le Président. Son va-et-vient entre le social et le politique a émaillé son parcours depuis plusieurs années et risque de s'amplifier à l'approche de la présidentielle de 2004. Malgré une trompeuse illusion d'inertie, la campagne pour la présidentielle fait déjà florès, et il y a fort à parier que les tendances des uns et des autres s'afficheront, dans les prochains jours, avec plus de rigidité.