Au regard de la tribune à partir de laquelle a été lancée l'accusation, tout porte à croire que les frappes contre l'Irak sont devenues imminentes. Le secrétaire d'Etat américain, Colin Powell, a franchi hier le Rubicon en accusant publiquement et officiellement le président irakien, Saddam Hussein, d'entretenir des «liens avec des groupes terroristes, notamment avec Al-Qaîda». L'accusation a été lancée à partir de la Suisse, lors du forum de Davos, auquel prennent part de nombreux chefs d'Etats et où sont représentés l'ensemble des pays qui pèsent lourd dans les balances mondiales tant économiques que militaires. Cette sortie, ont estimé de nombreux observateurs, peut signifier que les frappes contre l'Irak sont devenues imminentes. Elle peuvent aussi constituer une forme de pression indirecte tant sur les Etats européens opposés à une option militaire irraisonnée et injustifiée, que sur le conseil de sécurité de l'ONU, appelé à se plier de plus en plus au diktat de l'Oncle Sam quand il s'agit de ses propres intérêts. En effet, il ne fait plus aucun doute, aux yeux de tous les observateurs avertis et objectifs, que l'accusation de Colin Powell ne tient pas du tout debout. En effet, si pas mal de reproches peuvent être faits à Saddam, comme à Bush du reste, il n'en demeure pas moins que le président irakien n'est pas un islamiste. Il est même classé dans le camp des laïques. Il en a, au reste, même fait les frais du temps où les Américains jouaient encore la carte islamiste, poussant le régime des mollahs au pouvoir en Irak et encourageant, un tant soit peu, la guerre entre ces deux pays. Mieux, toujours selon un nombre important d'observateurs, il est certain que si les Américains avaient la moindre preuve à faire valoir, il ne fait aucun doute qu'ils l'auraient fait depuis belle lurette. Le responsable américain n'a donc pu se contenter que de vagues lieux communs signifiant clairement que les USA iront en guerre, avec ou sans arguments: «Plus nous attendons, plus il y a de chances de voir ce dictateur fournir des armes ou partager de la technologie (...) le réseau des tyrans et de la terreur, des terroristes et des armes de terrorisme de masse sont le plus grand danger de notre temps». Une guerre dans la région, il faut le croire, sert en premier lieu les intérêts américains et n'a aucun rapport direct avec les menaces terroristes, ni avec la démocratisation de ce pays. En témoignent les informations rendues publiques hier par la BBC, appartenant à un pays allié des Américains, où il est affirmé qu'«en cas de conflit il sera tout mis en oeuvre pour protéger les installations pétrolières irakiennes». Pas un mot n'est dit, en revanche, sur la protection des civils irakiens. Mieux, des journaux américains, citant des sources proches du Pentagone, soulignent que «les USA envisagent sérieusement une guerre nucléaire, donc éclair, contre Saddam» afin de ne pas s'enliser dans un long conflit aux conséquences incommensurables... Il ne fait donc aucun doute que la nouvelle sortie de Powell, faite en présence d'un impressionnant parterre, ne représente qu'un nouveau coup de bluff au moment où les véritables actes terroristes de masse sont menés par Sharon en territoires occupés devant la complicité passive et tacite de presque toute la communauté mondiale. Ce n'est, de ce fait, pas un hasard, si même les Britanniques, alliés traditionnels des Américains dans leurs entreprises guerrières, donnent l'air de tempérer quelque peu leur ardeur. Le Premier ministre britannique, dans un entretien accordé hier au Sunday Times a, en effet, indiqué qu'il «faut donner autant de temps qu'il faudra aux inspecteurs de l'ONU». En clair, même si le Royaume-Uni ne fait pas officiellement marche arrière, il n'en demande pas moins des preuves tangibles et irréfutables avant de se lancer dans cette guerre au moment où le coup de pied donné dans la fourmilière islamiste de sa Majesté risque d'avoir des conséquences dommageables sur la Grande-Bretagne à plus ou moins brève échéance puisque les réseaux terroristes implantés dans ce pays ne semblent pas avoir dit leur dernier mot.