Colin Powell, le secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères, a annoncé, hier après-midi, que les Etats-Unis envisagent des sanctions contre la Syrie “en raison de son attitude dans le conflit en Irak”. Forts de leur victoire militaire en Irak, tout indique que les Américains ne comptent pas s'arrêter en si bon chemin. Ils semblent vouloir étendre leur démonstration de force à d'autres pays de la région. La Syrie, dont les pressions ne cessent de s'accentuer sur elle depuis ces dernières 24 heures, semble être dans le collimateur de l'Administration Bush. La dernière déclaration de Colin Powell sonne comme un ultimatum donné au président Bachar Al-Assad pour se normaliser avec la nouvelle donne géopolitique dans la région depuis la présence américaine en Irak. Le secrétaire d'Etat américain menace “de recourir à des mesures diplomatiques, économiques ou autres si la Syrie ne comprend pas ses obligations dans le nouvel environnement”. Les avertissements américains à la Syrie ne sont pas nouveaux. Déjà en plein conflit, les premières déclarations du président Bush à destination de Damas étaient une mise en garde aux autorités syriennes sur l'éventuelle protection des dignitaires irakiens qui auraient pu trouver refuge en Syrie. Il y a deux semaines, de hauts responsables américains, le secrétaire à la Défense, Donald Rumsfeld en tête, avaient accusé Damas d'aider le régime de Saddam Hussein en lui fournissant du matériel militaire. Mais, c'est surtout ce week-end que Washington a fait monter la pression en demandant à la Syrie de lui livrer tout ex-dirigeant irakien réfugié sur son territoire. Hier, George Bush allait plus loin en affirmant “croire qu'il y a des armes chimiques en Syrie”, quarante-huit heures après avoir réclamé à Damas une “totale coopération”. “Nous les pressons de ne pas autoriser des membres du parti Baâth, ou de la famille de Saddam Hussein, ou des généraux de trouver refuge là-bas.” Ensuite, c'est un haut responsable israélien qui lui emboîte le pas, avait-il déclaré en accusant Damas de “menacer Israël d'utiliser des armes de terreur”. Il faut dire qu'Israël ne cache pas son désir de voir les Etats-Unis s'occuper de son voisin du Nord, seul pays frontalier avec son “protectorat” libanais. Pour preuve, la dernière sortie publique du conseiller national de sécurité d'Ariel Sharon, Ephraïm Halévy, ex-chef du Mossad (les services de renseignements israéliens), qui a expliqué, il y a deux jours, devant un parterre d'étudiants en compagnie du général Amos Gilad, “explicateur national” du conflit irakien, que “la chute de Saddam Hussein a une importance énorme pour Israël. Sa défaite a privé la Syrie d'une profondeur stratégique. Bachar Al-Assad est isolé. Maintenant, il faut que des changements interviennent en Syrie”. Il y a aussi l'hostilité affichée de la Syrie à la guerre contre l'Irak. Et les dernières déclarations du ministre des Affaires étrangères syrien, Farouk Al-Charef qui a condamné l'invasion de l'Irak et le soutien américain pour Israël, en disant que “même les Israéliens paierons le prix à l'avenir s'ils ne disent pas à leurs amis américains d'arrêter la guerre en Irak”, a-t-il dit, lors d'un entretien avec son homologue français Dominique de Villepin en visite dans la région. Cependant, le chef de la diplomatie britannique, Jack Straw, s'est voulu plus rassurant. Au Bahreïn, première étape de sa tournée dans le Golfe, il a fait comprendre que Damas ne constituait pas la future cible de la coalition anglo-américaine. “Nous avons clairement fait savoir” que la Syrie n'est pas “la prochaine sur la liste”, a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse à Manama ; d'ailleurs, “il n'y a pas de liste”. Malgré la mobilisation en Europe et la mise en garde contre un nouveau conflit dans la région, toutes ces prises de positions semblent indiquer que Washington a choisi sa prochaine cible. M. O.