Cette sortie médiatique constitue une aubaine pour les «faucons» de la Maison-Blanche. Oussama Ben Laden a encore fait parler de lui. Dans une tonitruante bande sonore qui lui est attribuée, diffusée mardi sur les ondes d'Al-Jazira, le chef d'Al-Qaîda a publiquement soutenu le «régime apostat» de Bagdad contre les «croisés américains et britanniques», appelant au passage le peuple arabe «au jihad». La sortie a eu l'effet d'une véritable bombe médiatique et stratégique alors que les préparatifs de guerre ne cessent de s'intensifier et que les Américains commençaient à manquer sérieusement d'arguments en faveur de leur escapade. «Nous suivons avec un grand intérêt les préparatifs de guerre des croisés pour réoccuper l'ancienne capitale de l'Islam et instaurer un gouvernement collaborateur, qui suit ses maîtres de Washington et Tel-Aviv, comme tous les autres gouvernements arabes traîtres et collaborateurs.» Et de confirmer ce que tout le monde savait déjà en dépit de toutes les déclarations US abondant dans le sens contraire, à savoir que le régime de Bagdad est «apostat» et «païen». Ben Laden, en véritable chef militaire, se préparant à mener une guerre dure et de longue haleine, y va de ses consciences à l'armée irakienne et à l'ensemble des arabes et musulmans désireux de suivre son appel au jihad. «Nous avons constaté, lors de nos combats contre l'ennemi américain, qu'il compte principalement sur la guerre psychologique (...) et sur les raids aériens massifs pour cacher ses principaux points de faiblesse: la peur, la lâcheté et le manque de combativité des soldats américains.» Le message, dans la même lancée, poursuit pour dire que «ces soldats (...) combattent pour les capitalistes et les vendeurs d'armes et de pétrole, dont la bande criminelle de la Maison-Blanche». Sur le plan des conseils basés sur l'expérience personnelle de l'un des hommes les plus recherchés du monde, Ben Laden poursuit pour dire que «l'un des meilleurs moyens de faire face à la force aérienne de l'ennemi croisé est de creuser de nombreuses tranchées couvertes et camouflées». Sur le plan pratique lié aux actions à mener sur le terrain, le chef d'Al Qaîda préconise de pousser «l'ennemi vers la guerre des rues (...) qui peut lui infliger de lourdes pertes (mais aussi d'aller vers) des attentats suicide qui ont fait leurs preuves en Israël et aux Etats-Unis». Pour lui, l'ensemble des régimes arabes qui pourraient aider les Américains dans leur entreprise contre l'Irak seraient qualifiés d'«apostats», comme c'est déjà le cas, à l'en croire, pour des pays dont les dirigeants doivent absolument être renversés. Il s'agit, pour Al-Qaîda de «la Jordanie, du Maroc, du Nigeria, du Pakistan, de l'Arabie Saoudite et du Yémen». L'appel au jihad, concernant toute la communauté musulmane, tombe, tranchant, sans appel: «Les musulmans en général et les Irakiens en particulier doivent se livrer sérieusement au jihad. Ils doivent acquérir armes et munitions (...) dans les circonstances actuelles, il n'y a point de mal à ce que les intérêts des musulmans convergent avec ceux des socialistes (le parti Baâs de Saddam Hussein) dans la lutte contre les croisés...» Cette sortie, comme se sont accordés à le dire hier, l'ensemble des analystes et observateurs de la scène internationale, a constitué une véritable aubaine pour les «va-t-en guerre» de la Maison-Blanche. Ce n'est pas non plus un hasard si c'est le secrétaire d'Etat, Colin Powell qui, dans une conférence de presse animée mardi, avait annoncé l'imminence de la diffusion de cette bande sonore dont il avait lu le contenu écrit et traduit. Al-Jazira, par la voix de l'un de ses plus hauts responsables, devait démentir quelques minutes plus tard, avant d'annoncer la diffusion du document dans la soirée de ce même jour, sans expliquer, comme c'était l'habitude, comment elle a pu obtenir un pareil document. Dès la fin de sa diffusion, le porte-parole du département d'Etat, Richard Boucher, a bénéficié de l'hospitalité de cette chaîne de très grande audience pour s'empresser d'authentifier la voix avant d'en appeler à «une collusion évidente entre Al-Qaîda et le régime de Bagdad». C'est l'ensemble de ces éléments troublants qui prêtent à penser que la «fuite» a pu être soigneusement organisée, et que le document lui-même a peut-être été fabriqué dans le but de trouver enfin l'argument massue qui convaincra la planète entière d'accepter d'aller en guerre contre l'Irak. Preuve en est, aussi, que jusqu'à hier, à l'heure où nous mettions sous presse, les seuls pays à avoir réagi à cette bande sonore sont les USA et la Grande-Bretagne. Même Saddam n'a rien dit, ce qui est normal puisqu'il se serait fort bien passé de cet «allié» quelque peu «encombrant»...