Le Pentagone et la Maison-Blanche mobilisent dans le Golfe l'armada militaire et leurs opposants leurs troupes dans le monde. De New York à Rome et de Berlin à Hong Kong en passant par Londres et Tokyo, des millions de personnes qui se prononcent contre la guerre américaine annoncée en Irak se mobilisent. Elles passeront à l'action dès aujourd'hui en manifestant en masse et pendant des heures leur réprobation à la politique de la canonnière des maîtres de la Maison-Blanche, érigée depuis quelque temps en dogme de la politique étrangère de Washington. Autrement dit, sur l'ensemble de la planète la flamme antiguerre avec ses banderoles pacifistes, ses slogans politiques, ses pancartes colorées et son ambiance bon enfant va ravir, l'espace d'une journée, la vedette aux va-t-en guerre et à leurs relais diplomatiques et médiatiques. Pour une fois, le discours et la propagande qui l'accompagnent sur les prétendues menaces qui guettent ce qui est appelé le monde libre, à travers le danger dit terroriste, ou celui lié aux armes de destruction massive que posséderait l'Irak, céderont le pas à des paroles plus mesurées et plus humanistes articulées autour de mots presque oubliés : ceux du pacifisme et de la paix dans le monde. Par les chiffres, la mobilisation pacifiste de demain contre la guerre vue par beaucoup comme un cataclysme, sinon un séisme géopolitique sans précédent et qui n'est pas nécessairement de l'anti-américanisme primaire, sera significative pour ne pas dire historique. Car, les quatre coins du globe se préparent à en être le théâtre avec un taux de participation attendu comme record. Ainsi, pour ne mentionner que les plus importantes manifestations qui vont avoir lieu dans les grandes capitales du monde, on citera d'abord celle qui aura lieu à Rome où près d'un million de manifestants est attendu à l'appel de quelque 500 organisations pacifistes et de grandes centrales syndicales. D'ailleurs, dans ce pays, il y a quelques jours, une imposante manifestation a été organisée pour dénoncer des sociétés liées à l'armée américaine. En Grande-Bretagne, fidèle allié des Etats-Unis dans les crises internationales, les pacifistes, forts d'une opinion publique très hostile à une guerre, espèrent la participation et le défilé de pas moins de 500.000 personnes dans les rues de Londres, soit autant que lors de la guerre du Vietnam dans les années 70. Ils ont mis en demeure Tony Blair «d'écouter» cette opinion, sinon il y aura, selon eux, une «explosion» de la colère des Britanniques. Chez l'ancien rival de la Perfide Albion, l'Allemagne, entre 80.000 et 100.000 personnes sont attendues à Berlin afin de manifester contre une éventuelle intervention militaire américaine en Irak. L'événement s'annonce comme la plus importante marche pour la paix de la dernière décennie, selon les organisateurs, galvanisés par les prises de position officielles de leur gouvernement qui s'est prononcé contre la guerre avec ou sans mandat de l'ONU. Dans la patrie des droits de l'Homme, la France, qui semble vouloir aller jusqu'au bout de la légalité internationale cristallisée dans l'ONU et son Conseil de sécurité, partis politiques, syndicats et associations pacifistes et écologiques prévoient aussi une forte mobilisation pour dire «Non à la guerre» en Irak et peut-être dans tout le Proche-Orient. Ici, les responsables de la Coordination nationale de ces mouvements ont laissé entendre que «cela va être la plus grosse des manifestations populaires depuis le 1er mai 2002 (date d'entre les deux tours de l'élection présidentielle)». Ailleurs dans le reste du monde la mobilisation contre la guerre bat également son plein. Ainsi, chez nous en Algérie, le PT de Mme Louisa Hanoune a appelé à un sit-in aujourd'hui à la place du 1er Mai à Alger pour protester contre la politique américaine. Même les lointains Brésiliens se joindront à ces manifestations mondiales contre la guerre et diverses marches pacifiques et pacifistes seront organisées dans les principales villes du pays. Néanmoins, la plus significative et la plus paradoxale des manifestations aura lieu à New York, à quelques centaines de mètres du siège des Nations unies où tout va se jouer. Il est vrai, qu'entre-temps, la vénérée Hollywood et ses multiples stars du cinéma et du show-business, à l'image de Madonna ou de Dustin Hoffman, tendent de plus en plus à devenir le porte-drapeau de l'autre face de l'Amérique, celle de l'humanisme et de la paix.