La chute drastique des prix du pétrole de près de 6 dollars en 10 jours n'a donné lieu à aucun commentaire dans le camp des pays industrialisés. Au contraire, si l'on se réfère à leurs médias, c'est la fête. En revanche, tous les pays consommateurs ont attendu la réaction de l'Opep après les attentats. Cette dernière était intervenue fermement pour stabiliser les prix dans la fourchette. Le recul de la demande de brut lié aux répercussions des attentats aux Etats-Unis sur l'économie mondiale, et plus particulièrement sur la santé des transporteurs aériens (qui représentent environ 8% de la demande pétrolière mondiale), entraîne à la baisse les cours du pétrole. Le 25 septembre, alors que le prix du pétrole était en chute libre, le ministre algérien de l'Energie Chakib Khelil, président en exercice de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), affirmait, qu'en cas d'action militaire américaine contre le terrorisme, il n'y aurait pas de «hausse très importante des prix» du pétrole. «En cas d'action militaire, il est fort possible que les prix (du pétrole) se relèvent un petit peu (...), mais je ne pense pas que la hausse sera très importante et qu'elle durera», même «si l'action est prolongée». En cas de récession de l'économie mondiale, M.Khelil a observé que cela «va avoir nécessairement un impact sur la demande à moyen terme». «Toutefois, je dirai que tout le monde semble s'accorder et même le Fonds monétaire international, sur le point que même si on ne voit pas un retour de la croissance vers la fin de l'année, peut-être sera-t-elle retardée de 3 mois, de 6 mois, on verrait probablement un retour à la croissance l'année prochaine», a-t-il précisé. L'Opep avait indiqué le mardi 25 septembre 2001 que le cours de son «panier» composé de sept bruts mondiaux était descendu à 20,51 dollars le baril contre 23,98 dollars vendredi. L'Opep a par ailleurs reçu à Vienne le soutien sans faille de la Russie, observateur auprès de l'Opep et de l'Angola. La Norvège, en revanche déclare qu'elle n'est pas tenue par l'entente avec l'Opep. Devant la chute libre des prix du pétrole, à moins de 20$ le baril soit une perte de près de 20%. Ce prix est pour la première fois inférieur au prix d'octobre 1999. L'Opep s'est réunie à Vienne. En théorie l'Opep pourrait réduire sa production en vertu du mécanisme d'ajustement mis en place en mars 2000, si les cours restent coincés sous le seuil de 22 dollars. En vertu de ce mécanisme, l'organisation doit réduire sa production de 500.000 barils par jour si les cours du panier Opep sont inférieurs à 22 dollars le baril pendant dix jours ouvrés consécutifs. Elle peut aussi augmenter sa production d'autant si les prix sont supérieurs à 28 dollars pendant 20 jours ouvrés consécutifs. En pleine tourmente internationale, l'Opep est prise entre deux feux: trouver une parade à la chute des cours du brut tout en préservant à la fois son objectif de prix et l'économie mondiale menacée de récession après les attentats du 11 septembre. Une coupure des robinets serait mal accueillie par les pays consommateurs auxquels l'Organisation veut donner des gages de solidarité, ajoute-t-on de même source. De plus, elle estime qu'il n'y a pas aujourd'hui de déséquilibre entre l'offre et la demande. En fait, comme l'écrivent plusieurs observateurs, l'Opep n'est pas en mesure de décider quoi que ce soit et devrait adopter un statu quo lors de sa réunion de mercredi à Vienne, car elle «ne veut pas se mettre en travers du chemin des Etats-Unis», selon les experts. Dans le contexte international actuel d'incertitudes politiques, militaires et économiques, l'Opep est condamnée à l'immobilisme. «Ils ne peuvent rien faire si ce n'est décider de ne rien faire», assure ainsi Yasser Elguindi, expert pétrolier pour Medley Global Advisors. «L'Opep ne peut pas décider d'aller à l'encontre de la baisse des prix du pétrole. Ce serait aller à l'encontre de la coalition contre le terrorisme», renchérit un expert industriel américain à Vienne, sous le couvert de l'anonymat. Car «ce qui se passe, ça dépasse le pétrole, ça dépasse les intérêts en cause», explique Leo Drollas, expert du secteur pétrolier pour le Centre for Global Energy Studies (CGES). On remarque au passage comment tout les «experts» contribuent à tétaniser la décision de l'Opep, d'autant que l'Arabie Saoudite doit donner des gages de bonne volonté, étant impliquée dans la nouvelle croisade qui se prépare. Les cours du pétrole n'ont guère réagi après l'annonce par l'Opep le jeudi 27 septembre. L'Opep a décidé de laisser inchangée sa production à 23,2 millions de barils par jour. Mais les membres de l'Opep ont assorti leur décision d'une mise en garde: «L'Opep baissera sa production si les prix du pétrole se maintiennent sous les 22 dollars». Le brent de la mer du Nord pour livraison en novembre, référence sur International Petroleum Exchange (IPE) de Londres, ne cédait que 26 cents à 22,74 dollars. Nul doute que la politique de l'Opep sera de plus en plus erratique du fait que tout se joue au niveau de l'Arabie Saoudite : il faut savoir en fait qu'une petite phrase d'Al Nouaïmi, ministre saoudien du Pétrole lors de son footing du matin, est plus importante que n'importe quelle décision de l'Opep connaissant les anciens liens privilégiés qui lient Washington à Riyad, il y a fort à parier que l'Arabie Saoudite fera tout pour être bon élève de l'Occident quitte à sacrifier les intérêts des autres producteurs, notamment les petits, les «sanafir» pour reprendre une expression du terroir. Les conférences-spectacle de l'Opep ne doivent pas cacher la réalité. Les Etats-Unis feront de plus en plus pression sur les régimes du Golfe pour imposer le prix qu'ils veulent bien payer. En fait, cela ne gênera pas outre mesure les monarchies du Golfe; elles misent plus sur le volume que sur le prix du pétrole, comme c'est le cas de l'Algérie. Les semaines à venir seront riches en rebondissements. Depuis le 11 septembre 2001, plus rien ne sera plus comme avant. Un nouvel ordre se met en place, nous n'en connaissons pas encore les contours. Attendons et espérons.