Dans un arabe châtié, le Président a répondu aux «promoteurs de la campagne contre l'Algérie» lors de son discours de deux heures, prononcé hier à Tébessa. L'ANP, le terrorisme, la concorde nationale, le dialogue avec la société civile (allusion faite vraisemblablement au mouvement citoyen de Kabylie), la relance économique, la crise irakienne et la prochaine visite qu'effectuera Chirac en Algérie sont les points saillants du discours du chef de l'Etat. Concernant le mouvement citoyen de Kabylie, il a appelé, implicitement, wau dialogue quand il déclare notamment: «Quelles que soient nos différences dans la forme, dans nos cultures, dans nos conceptions, on doit converger vers l'unité du pays (...) seul le dialogue constructif peut venir à bout de nos différends.» Cette allusion, qui intervient au moment où l'on évoque avec insistance une présence régulière et soutenue d'émissaires en Kabylie, passe pour un encouragement de la part du chef de l'Etat dans le sens du traitement par le dialogue de la crise qui secoue la Kabylie depuis bientôt deux ans. Il y a lieu de rappeler que Bouteflika n'est pas intervenu sur le dossier depuis le mois de mars de l'année dernière, jours où il a réuni les deux Chambres du Parlement pour consacrer la constitutionnalisation de Tamazight. Abordant la crise irakienne, le Président de la République a mis en relief le rôle joué par l'Algérie au service de la paix, dans le cadre de la légalité internationale. Rendant hommage aux forces de sécurité et aux éléments de l'ANP, tombés «au champ d'honneur pour préserver le caractère républicain de l'Etat algérien», Bouteflika a coupé court à la spéculation née, ces derniers mois, à propos de sa relation avec l'institution militaire. «Quelles que soient les tentatives menées pour ternir sa mission institutionnelle, son rôle de protectrice de l'unité nationale et territoriale, l'Armée nationale populaire demeure attachée à sa mission», a-t-il déclaré avant de clamer cinq fois: «Que Dieu bénisse l'ANP.» Le Président de la République semble avoir choisi aussi bien le lieu, l'occasion et le moment pour apporter cette «mise au point». Tébessa, au passé révolutionnaire indéniable, a vu, pour la première fois depuis l'Indépen-dance, la participation d'un chef d'Etat aux festivités de la Journée du chahid. Bouteflika a insisté sur ce passé historique de l'Algérie entière qui «doit servir de socle à toute entreprise de construction nationale». «L'évo-cation de ce passé s'avère une nécessité au moment où une campagne est menée contre l'Etat et ses institutions avec l'appui de certains courtisans et renégats à l'intérieur du pays», a-t-il rappelé. Des propos, on ne peut plus clairs qui sonnent comme une réponse à la campagne médiatique menée contre la présidence. Dans son discours, le Président de la République n'a pas ménagé les terroristes. «A quelle race de l'humanité appartiennent ces êtres? Dans quel siècle vivent-ils? Ils échappent à toute civilisation, à toute philosophie, à toute religion et à toute loi divine ou humaine», a clamé Bouteflika. Cependant, il a indiqué que l'Etat algérien a choisi la voie de la morale et de la légalité pour venir à bout de cette tragédie. Aussi, selon lui, la codification de la concorde civile et de la concorde nationale s'inscrit dans le souci de rétablir la sécurité «sans pour autant ménager les efforts pour combattre ces sauvages», a-t-il insisté. Rappelant le triptyque de l'identité nationale constitué par l'Islam, l'amazighité et l'arabité, Bouteflika a signifié qu'«elles ne doivent pas faire l'objet de récupération politique». A propos de la prochaine visite du président français, Chirac, en Algérie, Bouteflika a également apporté une autre précision: «J'ai senti, chez mon ami Chirac, une volonté d'approfondir les relations entre les deux pays.» Une réplique à ceux qui avaient jugé inutile la dernière visite de Bouteflika en France, «Le peuple algérien connaît le sens de l'hospitalité», a-t-il déclaré, pour appeler les Algériens à réserver un bon accueil à Chirac. Par ailleurs, sur le plan économique, le premier magistrat du pays a relevé que la relance économique ne se fera pas sans changement d'abord et avant tout des mentalités. «Il est inconcevable d'envisager un décollage économique sans changer les mentalités.»