L'Algérie cessera quasi intégralement de fonctionner pendant quatre longs jours... Plus rien, désormais, n'arrêtera le mot d'ordre de grève générale de deux jours auquel a appelé l'Ugta. Joints hier par téléphone, des cadres nationaux de l'Ugta nous ont affirmé qu'«aucune rencontre n'a eu lieu entre la Centrale et les pouvoirs publics depuis le lancement officiel du préavis de grève». «Cette éventualité, nous prévient-on encore, n'est même pas à l'ordre du jour». Pour eux, désormais, «le compte à rebours est définitivement enclenché et plus rien ne pourra l'arrêter». Cela paraît d'autant plus probable que nous apprenons que l'Ugta, «après avoir lâché beaucoup de lest sans rien recevoir en termes de concessions sociales, a décidé d'aller vers cette grève quoi qu'il advienne avant toute probabilité de retour vers le dialogue social». C'est, du reste, ce qui explique le report, sine die, de la date de la bipartite dont la tenue, est-il besoin de le rappeler, était prévue depuis plus d'un mois déjà puisque les quatre groupes de travail issus de la dernière rencontre entre Sidi Saïd et Benflis ont finalisé leurs rapports, tous déposés sur le bureau du Chef du gouvernement au début du mois de janvier passé. Mieux, quand bien même la Centrale viendrait à le souhaiter, jamais elle ne pourrait faire marche-arrière tant les travailleurs, tous secteurs confondus, se sont montrés prêts à en découdre avec les pouvoirs publics. Sur ce chapitre, selon le dernier bilan financier remis au ministère du Travail, dont nous avons obtenu copie, la Centrale, que l'on donnait pour «morte» il y a de cela quelques mois à peine, ne revendique rien moins que «400.000 adhérents». Ceux-ci contrôlent, par le biais des fédérations, plus de 4 millions de travailleurs. Selon nos sources, «le taux de suivi sera plus qu'appréciable. Il avoisinerait carrément les 100 % si l'on en croit les Assemblées générales tenues aux quatre coins cardinaux du pays quelques semaines avant le lancement de ce préavis de grève». Il ne fait donc aucun doute, aux yeux de la direction nationale de l'Ugta, mais aussi de nombreux observateurs avertis, que «le pays entier sera paralysé durant ces deux jours, auxquels il faudra adjoindre les jeudi et vendredi, ce qui constitue quatre jours de totale léthargie suivie du week-end universel des samedi et dimanche». Le manque à gagner dépasse toutes les appréciations. Sans doute, nous dit-on, s'élèverait-il à «plusieurs millions de dollars». Encore, faut-il préciser qu'un service minimum appréciable sera observé, notamment concernant le rapatriement des hadji, la prise en charge des urgences médicales, la distribution du carburant et même le fonctionnement normal des industries liées aux contrats pétroliers internationaux : un geste fort en direction du Président, signifiant clairement que «la Centrale, comme le martèlent nos sources, ne compte pas renouveler le scénario vénézuélien, et encore moins entrer dans la campagne menée tambour battant contre le Président Bouteflika depuis presque une année en prévision de la présidentielle d'avril 2004». Cela n'empêche pas que des secteurs névralgiques tels que les aéroports, les banques, les assurances, les écoles, les universités, la douane; les ports seront entièrement paralysés, sans oublier les grands complexes industriels tels que la Snvi et Ispat (ex-El-Hadjar), mais aussi les Eriad et les diverses entreprises de productions soit de biens, soit de services. Cette grève, à caractère national, par le fait que les moyens de locomotion et les institutions financières seront bloqués, mettrait en arrêt quasi automatiquement bon nombre d'entreprises privées qui seront mises à l'arrêt soit à cause du manque de liquidités, soit du fait de l'absence de matières premières. Ainsi, les préparatifs vont-ils bon train pour la réussite de cet événement majeur dans la vie syndicale algérienne. Depuis la grève de deux jours de 95, du temps de Abdelhak Benhamouda, l'Algérie n'a pas vécu une pareille montée au créneau. La Centrale, qui a déjà annoncé que ce n'était qu'un «avant-goût» de ce qu'elle comptait faire dans le cas où les pouvoirs publics ne réagiraient pas positivement à ses revendications, s'attelle d'arrache pied à faire en sorte que cette grève soit «une réussite». Il faut dire que tous les ingrédients sont là pour que le débrayage soit massivement suivi...