Comme prévu, les stations-service étaient désertes. Le mot d'ordre de grève a prévalu. La grève dans les stations d'essence a commencé bien avant l'entrée en vigueur du mot d'ordre de débrayage décrété par la Centrale syndicale Ugta. Déjà 24 heures avant le jour «J», par précaution ou en préparation à l'événement, d'immenses files de véhicules s'étaient agglutinées le long des voies menant aux pompes à essence. Ce qui fait que le jour de la grève les choses étaient entendues. Les stations étaient en rupture de stock de carburant et donc sans client. Barrières fermées, tuyaux levés, gérants et préposés sur place, mais sans aucune activité, palabrent sur les tenants et les aboutissants de cette grève, autant dire que la paralysie du secteur était visible de loin. En ce 24 Février 2003, date anniversaire de la nationalisation des hydrocarbures algériens par feu Houari Boumediene en 1971 et de la création en 1956 de cette même Ugta, le ton dans les stations à essence n'est pas à la commémoration et encore moins à la fête. Il est plutôt aux appréhensions et aux craintes des incertitudes des lendemains. Cela était perceptible à travers les discussions que nous avons eues avec les pompistes et les gérants de quelques stations-service que nous avons visitées en ce jour de débrayage généralisé. A Kouba une station de même statut, les vociférations de son responsable visent surtout Naftal qui n'aurait pas -assuré le service minimum-. Déjà, ajoute-t-il, -en temps normal, les approvisionnements sont tout juste à la limite de la régularité, alors aujourd'hui il ne faut pas compter sur les assurances de Naftal ou sur ce que vous, les journalistes, écrivez -. Dans les stations affiliées au réseau Naftal, le credo est au suivi des décisions prises par la centrale, c'est-à-dire, la Coordination de l'unité du Caroubier affiliée à l'Ugta, et qui a expliqué depuis longtemps les objectifs des actions revendicatives aux personnels syndiqués des différentes stations et unités. -Il faut que les privatisations qui sanctionnent uniquement les faibles s'arrêtent-, dit un autre qui se présente comme le représentant syndical d'une cellule locale. D'une manière générale, au-delà des appréciations des uns et des autres quant à la raison d'être de cette grève générale, autant les travailleurs du secteur que leurs clients semblent, d'une façon ou d'une autre, concernée par l'événement. Le mot de la fin est laissé à cet automobiliste rencontré dans l'une des stations visitées, jerrican à la main: «La grève est là. Il faut se faire une raison. Elle passera et on l'oubliera».