La fermeture des ambassades occidentales et le rappel des inspecteurs onusiens sont des signes qui ne trompent pas. Les coups de théâtre intervenus hier en milieu de journée confirment que les frappes sont imminentes, probablement au moment de mettre sous presse ce journal. Les USA, la Grande-Bretagne et l'Espagne ont retiré leur projet de résolution à quelques minutes de l'ouverture du Conseil de sécurité de l'Onu. Au même moment, le district attorney anglais - le ministre de la justice - indiquait que les trois résolutions précédentes suffisaient à justifier cette guerre. le retrait en question visait à éluder le veto français avec toutes les conséquences néfastes pouvant en résulter. Le président américain, pour sa part, a fait un discours vers 1 heure GMT dont des bribes avaient été «distillées» par son porte-parole, Ari Flesher. Désormais la phase diplomatique est terminée. La guerre a donc commencé. Observateurs, gouvernements occidentaux et médias du monde entier se sont accordés à dire que le sommet des Açores, tout en sonnant le glas de la phase dite diplomatique, a bel et bien été une déclaration de guerre à peine voilée contre l'Irak. C'est à peine si l'Onu n'a pas elle-même reçu son propre ultimatum alors que les partisans de la paix les plus en vue ont été violemment pris à partie. Les troupes sont désormais prêtes à passer à l'action. La chose pourrait même avoir lieu au moment où le lecteur tient ce journal entre ses mains. Par ultime «pudeur» diplomatique, les trois partisans d'une guerre immédiate, sans accord de la communauté internationale, ni de leurs propres peuples, attendront sans doute la fin de la réunion du dernier conseil de sécurité, prévue au début de la nuit de lundi à mardi. Un clash (provoqué) n'est pas à exclure dans le seul but de justifier définitivement l'«échec» de l'Onu et justifier une action unilatérale, sans couverture internationale, dans le «noble but» de sauver la planète des griffes de Saddam et des «menaces terroristes et autres» que lui et son régime feraient peser sur le monde. Les frappes interviendraient à l'aube de cette même nuit ou, au plus tard, dans le courant de la nuit prochaine. Les gouvernements américains, anglais et espagnols ont été on ne peut plus clairs. Rassérénés par le «Conseil de sécurité» restreint, mais puissants, ils ont tous déclaré sans ambages que la guerre contre l'Irak peut avoir lieu sans seconde résolution onusienne, ni approbation de la part de la communauté internationale. La dernière ligne droite vient d'être franchie. Les 8 nouveaux bâtiments, qui viennent de passer le détroit de Gibraltar complètent l'armada Us. Des missiles de croisières Tomahawk inonderont le ciel de Bagdad. Des bombes nouvelles, d'une intensité jamais vue auparavant, seront lancées par des avions cargos herculéens. Des obus avec des têtes à uranium appauvri seront largués sans le moindre état d'âme. Le souhait d'aller vers une guerre-éclair, de crainte de voir le monde bloquer un processus qui aurait tendance à s'éterniser, fera utiliser les armes les plus sophistiquées dont disposent les Américains avec une intensité jamais atteinte dans toutes les guerres qu'aura connues l'humanité jusqu'à ce jour. L'imminence des frappes est perceptible aussi parce que les gouvernements occidentaux ont commencé à rappeler leurs diplomates et ressortissants et même à fermer leurs ambassades à Bagdad. Américains, Anglais, Espagnols, Australiens rappellent leurs diplomates en Syrie, Israël, Koweït et même Arabie Saoudite et Emirats arabes unis. C'est la preuve, comme l'ont laissé entendre et craindre hier l'Iran et la Syrie, que ce conflit risque fort d'embraser toute la région. Les Américains et leurs alliés pourraient perdre tout contrôle de la situation dès les premiers jours du début de ce conflit. L'entrée en guerre d'Israël avec un homme comme Sharon à sa tête ne fait déjà presque aucun doute. Saddam Hussein, dans une déclaration intempestive, sans doute faite par un homme qui n'a plus grand-chose à perdre, a annoncé hier que «la guerre sera étendue à l'échelle du globe». Dans une réunion au sommet, le président irakien a martelé que «lorsque l'ennemi déclenchera la guerre, il devra savoir que la confrontation entre lui et nous s'ouvrira partout où se trouve un ciel, une terre et une mer, à l'échelle du globe tout entier». Les Irakiens, qui savent désormais à quoi s'en tenir, accumulent eaux et vivres et s'apprêtent à vivre un enfer sans doute pire que la guerre du Golfe de 91. Dans le même temps, les Allemands, partisans d'une solution pacifique, ont discrètement «vidé» leur ambassade à Bagdad. Les chinois, alliés des colombes françaises et allemandes, en font autant, signifiant que la paix a officiellement échoué. Le chancelier allemand, avec un langage direct et désespéré, a précisé hier, sur les ondes de la deuxième chaîne allemande, que les «chances de la paix sont aujourd'hui plus minces que jamais». Dans le même temps, les inspections onusiennes viennent de cesser brusquement et les Américains, sans prendre de gants vis-à-vis de l'Onu, ont «recommandé» à ses inspecteurs de quitter l'Irak Une recommandation, faite dans la nuit de dimanche à lundi, et qui ne laisse guère de doute sur l'imminence de cette guerre, la première du siècle et du millénaire, l'une des plus meurtrières sans doute aussi. Même les sujets relatifs à la reconstruction se frayent leur petit bonhomme de chemin. Il va sans dire que ce sont les entreprises américaines qui se tailleraient la part du lion de ces très gros marchés si le plan de Bush marchait comme prévu et si la guerre ne s'éternisait pas comme le craignent de plus en plus d'observateurs.