C'est dans une véritable course contre la montre que se sont engagés opposants et partisans de la guerre contre l'Irak. Chacun des protagonistes, de cette partie d'échec planétaire, joue ses derniers atouts essayant de mobiliser les indécis. C'est dans cette perspective que le chef de la diplomatie française, Dominique de Villepin, s'est envolé hier pour l'Angola, le Cameroun et la Guinée, trois pays africains membres (non permanents) du Conseil de sécurité, sujets à une très forte pression de la part de Washington qui y a déjà délégué en début de semaine son secrétaire d'Etat adjoint chargé des affaires africaines. Les uns et les autres tentent ainsi de rallier à leur cause le «ventre mou» du Conseil de sécurité pouvant faire pencher la balance en faveur de la guerre, si les Etats-Unis se montrent les plus convaincants, ou, en revanche, faire échouer l'aventure dans laquelle Washington compte engager le monde. A la vérité, et selon le décompte effectué par la presse, les indécis semblent plutôt pencher pour la poursuite des inspections des experts de l'ONU pour désarmer pacifiquement l'Irak. Toutefois, le secrétaire d'Etat américain, Colin Powell, a plutôt surpris les observateurs, en affirmant hier d'une manière, à tout le moins péremptoire, que les Etats-Unis «avaient une forte chance» de voir leur projet de résolution recueillir de «9 à 10 voix», embrigadant ainsi, sans autre forme de procès, les indécis dans le challenge américain. Ce qui ne correspond pas, à tout le moins aux récentes déclarations, au plus haut niveau, de dirigeants du Chili, du Mexique et du Pakistan, notamment, qui ont dit leurs réserves quant au choix de la guerre, certifiant qu'il fallait donner toutes leurs chances aux inspections et vérifications menées par les experts de l'ONU. Obnubilés par la guerre, qu'ils ont programmée contre l'Irak, les Faucons américains, pleins de suffisance, méprisent les opinions contraires, regardent de haut ceux qui s'opposent à une aventure qui serait suicidaire pour l'ordre mondial actuel. L'Irak ne serait, en fait, que le dernier test, grandeur nature, devant définitivement asseoir l'empire américain qui se met en place. Foulant aux pieds la Charte de l'ONU, Washington fixe maintenant les priorités, prend les décisions en lieu et place du Conseil de sécurité, plaçant ce dernier, ou essayant de le placer, devant le fait accompli, et de facto signifier sa fin de mission. C'est essentiellement cela l'enjeu de la guerre programmée par Washington, quelqu'un devait servir de bouc émissaire et l'Irak semble être l'idéal, de donner à la Maison-Blanche de s'imposer et d'imposer ses vues. Ce que les autres membres permanents du Conseil de sécurité, la France, la Russie et la Chine, refusent absolument, craignant, outre de rentrer dans le rang, de valider les prétentions des Etats-Unis de régner sur le monde. Washington ignorant les premiers résultats des inspecteurs en désarmement de l'ONU, désignés par le Conseil de sécurité, - car plutôt favorables à l'Irak, démentant même, certaines de ses assertions - estime a contrario que l'Irak a échoué à «saisir sa chance» de désarmer, que désormais il n'y avait plus de place qu'à la guerre. La guerre, c'est ce que les principaux responsables de l'Administration américaine n'ont cessé de marteler depuis des mois. Ne se sentant guère en situation fausse face à la faiblesse de leur argumentation en faveur de la guerre, les Etats-Unis, a contrario, demandent au monde d'approuver sans chercher à comprendre. C'est du Kafka revisité, une guerre par l'absurde, du fait qu'à Washington on semble dire à l'opinion internationale «du moment que les Etats-Unis veulent la guerre, pourquoi vous faut-il d'autres explications?» Les Etats-Unis, qui comptent remodeler la région du Moyen-Orient à l'issue de cette guerre annoncée, ne donnent pas l'impression, outre mesure, de se soucier des dégâts collatéraux qu'ils vont causer notamment au plan humanitaire. Il est fort probable que le projet de deuxième résolution soit proposé au vote du Conseil de sécurité dès demain. Aussi, les uns et les autres abattent-ils leurs dernières cartes pour emporter la décision.