L'affaire de saisie des huit quintaux de drogue, interceptés à Oran, a mis au jour un véritable réseau mafieux, où la relation entre terroristes et trafiquants de drogue a été nettement établie. En prolongeant la durée de la garde à vue des mis en cause dans une banale affaire de drogue, qui n'a eu de retentissement que grâce à la quantité saisie - 8 quintaux! les services de sécurité de la Gendarmerie nationale sont tombés sur une piste pour le moins inattendue. Dans un premier temps, un émir était arrêté à l'issue d'une enquête minutieuse. La presse avait, avant-hier, rapporté l'information. En poussant encore plus loin, les ser-vices de sécurité sont tombés sur une piste menant droit à un réseau très important. Cet émir, recherché depuis 1993, était à la tête d'un réseau spécialisé dans la falsification de documents, la drogue et le passage des armes du Maroc vers l'Algérie. Ce réseau, considéré comme un soutien important aux groupes islamistes implantés à l'Ouest, s'est aujourd'hui spécialisé, presque exclusivement, dans la drogue, qu'il achemine du Maroc vers l'Espagne, la France et le Portugal. Parallèlement, il introduisait, à l'occasion, des armes, mais en sens converse, c'est-à-dire depuis l'Europe vers l'Algérie, via le Maroc. Les principaux dirigeants de ce réseau se trouvent être Anouar Heddam, un des leaders de l'ex-FIS, actuellement aux Etats-Unis, Mersal Benamar et Mekidèche N., prothésiste-dentaire à Maghnia et activiste connu dans la mouvance islamiste. Dès 1995, des informations plus au moins soutenues faisaient état de l'existence de contacts allant de l'Ouest algérien vers l'Allemagne via le Maroc, l'Espagne et la France. L'argent de la drogue entrait régulièrement et permettait de renflouer les caisses vides des activistes à l'étranger. Dans l'autre sens, on achetait de l'armement neuf et performant qu'on envoyait aux groupes armés en Algérie, principalement les GIA, aux fins de poursuivre la pression sur les autorités et la mainmise sur le peuple. Lors de notre dernier passage à Larbaâ, au lendemain du carnage terroriste à Djibolo, des témoins oculaires nous ont affirmé que les pseudomilitaires, auteurs de l'attaque nocturne, avaient des kalachnikovs pliables d'aspect neuf. La piste marocaine n'avait pas besoin de cet incident pour se préciser. Mais cela confirme ce qui avait été déjà dit et conforte nos services de sécurité dans leurs thèses. Le royaume chérifien a, de tout temps, usé de son appel au sentiment nationaliste du peuple pour occulter les vrais problèmes. A ce jour, Maghnia, Aïn Sefra et Béchar continuent d'être autant de « portes ouvertes » sur le Maroc. Des dizaines de terroristes algériens passent volontiers de l'autre côté pour se cacher, se revitaliser, et revenir sévir sur le sol algérien, pour peu que l'occasion se présente. A Béchar, un tunnel souterrain, long de quelque 20km, continue d'être le passage privilégié des GIA. Creusé dans le roc, il présente aussi bien un abri sûr qu'un passage rapide vers le royaume chérifien. Pour revenir à l'affaire du réseau mafieux, huit personnes au total ont été écrouées, mais les têtes pensantes sont en fuite. Les maillons de la chaîne installés à l'étranger doivent être mis en échec pour espérer venir à bout d'un réseau qui, au fil des ans, est devenu tentaculaire et international.