Al-Qaîda et le Gspc n'ont jamais réussi à passer le stade des négociations et des affinités. Plusieurs semaines après l'arrestation des Algériens à Londres et Edimbourg, l'enquête tourne en rond et les grands espoirs placés sur les enquêteurs pour aboutir à une «piste proche de la direction d'Al-Qaîda» s'amenuisent au fil des jours. Les Algériens qui ont été arrêtés à Londres, Glasgow et Edimbourg, ont été maintenus dans l'anonymat total pour les besoins de l'enquête. Cependant, plusieurs noms ont été divulgués, tels Karim Benamghar, 31 ans, Salah Moullef, 32 ans, Hakim Ziem, 31 ans, Abdellah Abdelhafid, 33 ans, Sofiane Lahmar, 23 ans, Ghalem Belhadj, 36 ans, et Mourad Idir Abbès, 27 ans. Le premier problème qui s'était posé à Scotland Yard, dès les premiers jours, était celui de savoir si ces personnes étaient recherchées, fichées, ou pour le moins, connues des services de renseignement algériens, le DRS. Or, même si l'Algérie est parmi les pays les plus coopératifs avec Interpol et les autres instances de sécurité, il n'en est rien ressorti de l'investigation. De toute évidence, il s'agit là de nouveaux éléments qui ne présentent pas d'antécédents judiciaires notables. En fait, la déception de Scotland Yard était à la mesure de ses premières illusions. Pour des raisons qu'il avait crues assez solides, il avait pensé que les Algériens «représentent le noyau dur d'Al-Qaîda à Londres», et que, via le GIA ou le Gspc, les djihadistes algériens étaient déjà «opérationnels et prêts à l'action». Ce constat hâtif de mettre les Algériens au coeur d'Al-Qaîda londonien avait, peut-être, obéi à des données de terrain, mais tous les connaisseurs de la nébuleuse de Ben Laden savent que ce ne sont pas les Algériens qui occupent les avant-postes de l'organisation. Mieux, depuis 1994, le GIA n'a plus d'attache avec Al-Qaîda et, entre les deux groupes, c'est une animosité empreinté de soupçons et d'accusations qui s'installe. Le semblant de «deal» passé entre Al-Qaîda et le Gspc n'a jamais réussi à passer le stade des négociations et des affinités. L'action guerrière proprement dite ne semble pas avoir été atteinte, et même si certains membres armés affiliés au Gspc ont été arrêtés en Espagne et en France, Londres a été méticuleusement épargné pour des préparatifs d'attentats contre cette «terre d'accueil». Le Royaume uni est considéré comme une terre généralement épargnée par les attentats islamistes anti-occidentaux. Le respect des droits de l'Homme et les garanties juridiques aux ressortissants étrangers, notamment les exilés dans un cadre politique, sont à ce point évidents pour que les groupes islamistes les plus radicaux épargnent le sol britannique de toute action qui risquerait de leur mettre la police de sa très gracieuse Majesté à dos. Notons enfin que, concernant le GIA, les deux derniers leaders connus en Grande-Bretagne ont définitivement rompu toute attache avec Zouabri, fin 1997, après avoir demandé des comptes à celui-ci. N'ayant obtenu aucune réponse sérieuse concernant la «stratégie étrangère» du GIA, ceux-ci se détachent définitivement de la direction d'Alger et se fondent dans la masse de la foule londonienne.