Evoquant son droit de veto au Conseil de sécurité, il met en garde les Américains contre un conflit non autorisé par l'ONU. Le président français, par la force des choses, est devenu le porte-étendard des partisans de la paix dans le monde. A la veille d'une session décisive du Conseil de sécurité sur l'ONU, il est revenu en détail sur la position française et les raisons qui poussent la France à agir de la sorte. Il apparaît ainsi, de la manière la plus officielle qui soit, que la France dira non à une deuxième résolution qui, faut-il le rappeler, prévoit le recours automatique à la force contre l'Irak. Chirac, ce disant, prend bien le soin de souligner l'importance, mais aussi la gravité, d'une pareille décision, sûrement et mûrement réfléchie. «Selon une première hypothèse, qui est aujourd'hui (lundi soir. Ndlr) la plus probable, cette résolution n'a pas une majorité de neuf membres.» Mettant en garde au passage les Américains contre tout risque de dérapage aux conséquences incommensurables. «Ce serait un précédent dangereux pour les Américains de passer outre à une décision négative de l'ONU.» Sans résolution de l'ONU, impossible à obtenir dans l'état actuel des choses, la France ne prendra donc pas part à un conflit contre l'Irak. Les raisons invoquées sont nombreuses. Outre l'existence d'Etats autrement plus dangereux que l'Irak auxquels les Américains «foutent la paix», il y a le fait que le désarmement de l'Irak se poursuit de manière régulière et efficiente depuis le retour sur place des inspecteurs onusiens. Cela d'une part. D'autre part, un conflit, tel que conçu et drivé par les Américains avec leurs principaux alliés- Britanniques et Espagnols, induirait, comme l'explique le président Chirac, des «conflits entre civilisations», mais aussi des risques certains d'attentats terroristes contre les intérêts occidentaux. Comme souligné et constaté maintes fois, les positions algérienne et française ont parfaitement concordé à ce sujet. La visite d'Etat du président Chirac à Alger a permis aux deux partis de développer les mêmes thèses et la même vision pacifiste, précisant que la guerre est «toujours un aveu d'échec». Le fin diplomate qu'est le président français offre quand même une issue de secours honorable au président américain en ajoutant qu'«atteindre ses objectifs sans faire la guerre, ce n'est pas perdre la face». Le dernier échange épistolaire entre les deux chefs d'Etat a permis de confirmer la convergence de vue des deux Etats. De son côté, l'Algérie a joué un rôle déterminant dans l'OCI et la Ligue arabe pour l'adoption de résolutions condamnant une guerre contre l'Irak sans recours à l'ONU et demandant à ce que les inspections onusiennes suivent leur cours normalement tant qu'elles continuent d'apporter des résultats probants et que les autorités de Bagdad poursuivent normalement leur coopération. Une véritable course contre la montre a été engagée dans le même temps par les Américains et les Français en vue de s'allier les voix des membres non permanents du Conseil de sécurité de l'ONU. Le chef de la diplomatie française a déjà fait la tournée de trois Etats africains qui, il faut le dire, se sont montrés assez fatalistes sur l'issue de ce bras de fer diplomatique. D'où la conclusion de de Villepin souhaitant que chaque membre agisse selon ses convictions, sans pression aucune. Une manière de tenter de couper l'herbe sous les pieds du camp adverse, celui des faucons, qui projette aussi des tournées dans le même but. Dans tous les cas de figure, cette semaine s'annonce décisive à tous les points de vue. Le compte à rebours pour le régime de Bagdad a bel et bien commencé. L'heure de vérité a sonné.