Le déplacement des activistes islamistes en grand nombre vers les pays limitrophes de l'Algérie renseigne sur l'échec du GIA. A partir de 1996-97, les services de sécurité prennent les choses en main, et par milliers, les activistes et les éléments armés de la nébuleuse islamiste se déversent sur la France, la Grande-Bretagne, l'Espagne, la Belgique, la Suisse, mais aussi le Maroc, le Mali, le Niger, le Soudan, la Libye et les pays du Sahel, tels le Burkina Faso, le Sénégal, etc. Si on a parlé à profusion des réseaux islamistes en Europe, peu de gens connaissent réellement l'importance de ces réseaux en Afrique, c'est-à-dire aux portes Sud de l'Algérie. Avant de dresser un bilan sur l'activité du GIA dans ces pays, jetons un regard synoptique sur les pays voisins. La Tunisie et le Maroc ont eu des positions diamétralement opposées sur ce plan-là. Autant la police tunisienne fut intransigeante, ayant en vue d'étouffer dans l'oeuf toute volonté locale de refaire l'«épopée Ghannouchi», autant les services secrets du royaume chérifien étaient «curieux» de voir de «plus près» l'évolution du «bouillon islamiste». Cette curiosité a donné naissance à un large éventail de laxisme, de manipulation, de renseignement et de complaisance. En fait, le Maroc a toujours essayé de centrer son attention sur l'Algérie en faisant appel au sentiment nationaliste local pour atténuer les tensions et les crises internes qui éclatent, çà et là, de façon épisodique. L'effervescence de la situation politique et sociale de l'Algérie a beaucoup servi le Maroc, en ce sens qu'il a voulu se présenter en tant que seule et unique alternative pour les pays de la CEE. Le royaume chérifien et le GIA A ce jour, les frontières algéro-marocaines servent à faire passer le cheptel et les produits alimentaires. En contrepartie, le royaume chérifien laisse pénétrer vers l'Algérie armes, drogue et appareils électroniques destinés aux terroristes. Les attentats antiaméricains vont accélérer un processus de véritable intransigeance envers la mouvance islamiste radicale, mais tant que le «vivier» extrémiste reste entretenu du côté de la frontière avec Bechar et Aïn Sefra, il y a lieu d'être encore sceptique pour quelque temps. La Libye et la Mauritanie ont, elles aussi, réagi différemment. La République islamique de Mauritanie a été de tout temps une région d'érudits, d'exégètes et de théologiens, qui n'a rien à envier dans ce domaine à l'Algérie. L'esprit de tolérance qui régit la société nouakchottienne et chinguettie a aussi joué un rôle de bouclier dans la pénétration de doctrines radicales exogènes. La Libye continue à être vigilante face aux activistes algériens sur son sol, après leur avoir ouvert les portes toutes grandes. Le Mali et le Niger constituent aussi un «no man's land» des GIA. S'acoquinant volontiers avec les Touareg séparatistes, les guerriers de l'Azaouad et les desperados locaux, les hommes du GIA y ont trouvé une terre «accueillante» d'où ils pouvaient acheminer les armes vers les maquis de Médéa, de Relizane et de Tiaret. Toutefois les gouvernements locaux jouent à fond le jeu avec l'Algérie et ont pu, dans une large mesure, endiguer le fléau. Toutefois la société nigérienne commence à connaître une véritable agitation à caractère islamiste. Une quinzaine d'éléments du GIA essaie de s'y mouvoir loin de la surveillance de la police de Niamey et Banibangou (à 180 km de la capitale) où, en 1994, un affrontement entre la police locale et les intégristes avait fait 10 morts. Les dizaines d'associations et d'agences islamiques locales, qui ont pris en charge beaucoup d'Algériens depuis 1992, sont un risque réel. Elles peuvent exploser à tout moment si des mesures politiques concrètes ne sont pas prises pour atténuer les tensions internes. Le Sénégal reste un pays très vigilant vis-à-vis des idées islamistes propagées par les extrémistes algériens que la police locale surveille de très près. En 1993, un périodique local faisait état de l'arrestation de quatre activistes algériens à Dakar, qui avaient pris pour couverture la restauration pour propager leurs idées radicales et subversives. Beaucoup d'armement a transité par Dakar. Souvent acheminées depuis Banjul (Gambie), les armes traversaient le Sénégal pour atterrir à Tamanrasset et Ouargla avant d'alimenter les maquis du GIA. Le Burkina Faso s'acoquine avec les fondamentalistes Toutefois, au niveau officiel, tous ces pays, y compris le Maroc, ont pu comprendre le phénomène extrémiste à un degré ou à un autre, et ont, de fait, agi en conséquence. A une exception près: le Burkina Faso. Ce pays, malgré les injonctions des autorités algériennes, continue non pas uniquement à abriter des Algériens qui, sous le couvert de contestation politique au nom de l'islam, s'adonnent à la subversion et soutiennent le terrorisme en Algérie, mais aussi l'aident de façon quasi officielle. Les extrémistes algériens établis au Burkina Faso, expulsés par les autorités françaises en septembre 1994 dans le cadre de l'affaire dite de «Folembray» ayant ciblé les réseaux de soutien au GIA, continuent en toute quiétude de développer leurs activités terroristes, notamment le trafic d'armes, au profit des terroristes sur notre territoire avec la complicité des réseaux locaux. Certains d'entre eux ont même bénéficié de passeports burkinabé lors de leurs déplacements à l'étranger. C'est le cas de Tounsi Abderrachid et Mechkour Abdelkader qui jouissent de toutes les facilités pour se rendre en Europe en tant que ressortissants du Burkina Faso. Il est impensable qu'un tel appui aux réseaux terroristes se fasse à l'insu des plus hautes instantes du pays. Le deal qui semble avoir été établi entre les uns et les autres ne doit pas être différent de celui établi entre les activistes et certaines polices de l'Union entre 1993 et 1997, à savoir se tenir loin de tout ce qui pourrait menacer le pays hôte. Certains vont plus loin et accusent nommément le président du Burkina Faso lui-même pour manipulation du terrorisme algérien et son orientation vers l'Algérie, de connivence avec les services spéciaux marocains. Il faut - puisque l'occasion se présente - que les USA et l'opinion internationale s'impliquent dans ce genre de manipulation hautement dangereuse, et fassent pression sur les autorités burkinabé pour les amener à souscrire à une mobilisation sérieuse contre le terrorisme. Même lorsqu'il est dirigé contre un pays autre que le pays hôte.