Le 10 janvier 2003, une information avait attiré l'attention des observateurs de la sécurité intérieure des pays du Maghreb. Un jeune soldat marocain, âgé de 22 ans, avait été arrêté par les services secrets marocains en possession de sept armes automatiques, des kalachnikovs dérobées dans une caserne. La très officielle agence MAP avait privilégié, alors, la piste d'un projet de braquage de banque, mais les journaux les plus pointilleux avaient parlé d'une «piste islamiste djihadiste» et cité des «sources proches de l'enquête». Al Ahdat El Maghribiya, quotidien socialiste, affirma que, «selon les aveux du soldat», les armes devaient être remises à un mouvement extrémiste djihadiste, et Aujourd'hui le Maroc indique que le militaire était un «sympathisant islamiste». Cette histoire ressemble à s'y méprendre à celle (réussie du militaire algérien, auteur (sous les ordres de «Djaâfer», Sid Ahmed Mourad) du vol spectaculaire des armes de la caserne de Réghaïa, le 13 septembre 1992, et confirme que les extrémistes de la Salafiya djihadiya marocaine n'ont plus besoin, désormais, que de moyens pour agir. Lorsque, en juillet 1996, le nom du GID (Groupe islamique djihadiste) commença à faire parler de lui, le GIA algérien était crépusculaire. Quelques Algériens réfugiés au Maroc intègrent alors le GID. Le groupe, qui se voulait transnational, tissa des liens ténus avec Al-Qaîda et commença à bouger dans tous les sens. Dans le manifeste annonçant sa constitution, le GID se qualifie de mouvement religieux, armé, djihadiste, marocain et transnational à la fois, dont l'objectif est de «renverser le régime apostat du tyran Hassen II et d'instaurer un gouvernement islamique selon le Coran et la Sunna». L'attentat meurtrier contre des touristes à Marrakech, en 1994, est antérieur à ce groupe. Trente-quatre personnes ont été inculpées dans l'attentat dont les principaux auteurs étaient des paumés franco-maghrébins manipulés et initiés au djihad par des djihadistes marocains. Entre 1994 et 1998, la chaîne se rompt. Elle réapparaît à nouveau en 2000, puis surtout, en 2002, avec le démantèlement, en septembre, à Casablanca, d'un important réseau de la Salafiya djihadiyya. Le nom du GID disparaît et on sait seulement qu'une très importante filière combattante, à tendance salafiya djihadiya, a commencé à activer dans le pays. Selon les services secrets marocains, ce groupe est dirigé par un certain «Dhamir» (le GID était mené par la fantomatique Abou Aciq El Maghribi) et le premier noyau fonctionnait avec trois hommes et trois femmes constitués en couples et qui furent arrêtés à la suite d'un accrochage armé avec les forces de sécurité. Les aveux faits par la suite par les trois hommes font ressortir ces vérités, qui ont frappé, à l'époque, l'esprit des Marocains tranquilles : ce groupe avait déjà perpétré plusieurs attentats, assassinats et enlèvements avec dissimulation de corps. Les victimes avaient été, entre autres, un brigadier de police, un notaire, etc. En tout, pas moins de 150 assassinats avaient été commis à partir de décembre 2002 par ce groupe dont on ne connaît même pas le nom (la «Salafiya djihadiya» est une tendance, et non pas un nom). On sait seulement que les djihadistes de ce groupe sont très imprégnés des lectures d'El Takfir wal Hidjra, organisation égyptienne extrémiste et radicale créée par Mustafa Chukry. Certains journaux marocains ont parlé uniquement de dix assassinats commis par la Salafiya djihadiya jusqu'à son arrestation, alors que, à ce jour, un décompte final n'a pas été établi. Trente-huit hommes ont été arrêtés dans le cadre de l'enquête sur cette organisation islamiste radicale dont, finalement, les services de sécurité marocains ignorent plus de choses qu'ils n'en connaissent. L'arrestation du jeune soldat avec sept armes automatiques n'a pas permis de connaître la mystérieuse direction de la nébuleuse djihadiste du royaume chérifien.