Engagés pour faire pièce aux groupes armés, des GLD ont, souvent, succombé à la tentation des «affaires». Douze membres d'un Groupe local de défense, communément appelés GLD, viennent d'être placés sous mandat de dépôt par le juge d'instruction du tribunal de Tighenif, dans la wilaya de Mascara. Selon une source locale, ce groupe avait, il y a quelques semaines, usé de ses armes face à la gendarmerie de Menaouer dans une sombre affaire de bétail qui n'a pas encore livré tous ses secrets. Selon certains témoignages, ces éléments du GLD de Ouled Ben Daha voulaient s'emparer de ce troupeau et le conduire hors de Menaouer, de façon tout à fait illégale. D'autres affirment que ce GLD avait déjà à son actif un «parcours douteux», et c'était là un nouveau faux pas de plus, commis de surcroît sur un corps de sécurité qui représente leur hiérarchie hors des agglomérations urbaines. Ce placement sous mandat de dépôt est un autre événement qui - peut-être - va relancer, au sein de l'institution militaire, le débat, déjà trop controversé, de l'avenir de ces GLD. Recrutés en 1994 dans un contexte sécuritaire particulièrement marqué par un terrorisme au fait de sa force et par des actes de violence, les «Patriotes» avaient été, d'abord, «les yeux et les oreilles» de l'armée. Agissant dans des espaces difficiles et des maquis dangereux, ceux-ci présentaient le double avantage de connaître les terroristes du coin et la région qu'ils ont en charge de sécuriser, les patriotes (devenus par la suite «Groupes locaux de défense» (GLD) s'étaient illustrés par un travail sur le terrain remarquable, notamment dans les régions isolées et les villages situés loin des centres urbains et, donc, loin des casernes militaires et des brigades de gendarmerie. C'est à partir de 1995 que les GLD devinrent une puissance paramilitaire par excellence, et «dominèrent leurs sujets» sur le terrain. La presse et la télévision commencèrent à parler à profusion de ces «hommes debout» («ridjaloun waqifoune») et ce grand battage médiatique eut l'effet pervers de consacrer ces «petits caïds» des villages. C'est aussi à partir de 1996 que les premières plaintes contre les GLD furent déposées par des citoyens pour «abus excessif d'autorité et utilisation abusive d'armes». 1997 a consacré «la victoire politique» des GLD, dont les connexions avec le RND, parti créé la même année pour «rafler la mise», ont soulevé de profondes polémiques depuis lors. A partir de mars 1997, la presse commence à parler de «dérives» commises par ce «corps civil armé». Les GLD de Bougara, de Relizane (affaire Hadj Fergane) de Jdiouia (affaire Hadj El Abad), de Médéa, de Blida, etc. sont alors mis à l'index comme autant de «facteurs de violence». La trêve de l'AIS et l'éclaircie sécuritaire, à partir de 1997-98, ont créé un malaise au sein des GLD. Un nouveau décret vient alors à point pour réguler la situation de ce nouveau corps de sécurité estimé à plus de 120.000 hommes. Ce décret stipule que la création des GLD sera, désormais, «soumise à autorisation de l'autorité civile après avis des forces de sécurité», et souligne aux GLD «l'interdiction de pénétrer à l'intérieur d'un domicile ou d'un espace clos, sauf en cas de retranchement de fuyards». Ces précisions, n'étant pas fortuites, en disent long sur ce qui leur est reproché. A partir de 2002, c'est le calvaire. D'un côté, leur «vitrine politique» coule corps et âme, et leur ôte, dès lors, tout soutien réel. D'un autre côté, l'éclaircie sécuritaire les éloigne des sunlights et les relègue à un petit rôle de «gardiens». Pis encore, plusieurs GLD se sont plaints de ne toucher qu'à peine 12.000 dinars, et qui arrivent, parfois, des mois en retard. La déchéance de ce corps a fait que certains d'entre eux, un peu partout dans le pays, se sont laissé séduire par des petites affaires scabreuses (vente de cartouches ou de douilles, faux barrages et connexion avec des groupes terroristes) dont l'objectif est souvent celui de se faire un peu d'argent. Corps qui a coûté la vie à plusieurs centaines d'entre eux, qui a vaillamment défendu des villages entiers, mais qui est devenu, dans la plupart des cas, anachronique et suranné. Il y a moins d'une semaine, un GLD de 55 ans est tombé dans une embuscade tendue par un GIA local à Oued Essalam, dans la région de Relizane. C'est toute la tourmente que vit, aujourd'hui, un corps de sécurité controversé.