A mesure que se rapproche la victoire des coalisés, l'appétit des uns et des autres s'aiguise. De nouveaux conflits au sommet se profilent entre la «Vieille Europe» d'un côté et les Américains et les Britanniques de l'autre. Les mêmes tensions se cristallisent également entre les deux principaux alliés dans cette guerre, Bush et Blair en l'occurrence. L'Europe, qui a fini par se ranger à la loi du plus fort, par admettre le principe de la guerre, hors cadre légal, et même par souhaiter la victoire des «bons» sur les «méchants», ne veut pas s'en laisser conter pour autant. Sans aller jusqu'à demander ouvertement une part du gâteau, lié à la reconstruction de l'Irak, mais aussi à la «gestion» de la deuxième plus grande réserve d'or noir du monde, les Européens, lors de leur rencontre avec le secrétaire d'Etat américain, Colin Powell, ont clairement laissé entendre que l'ONU devrait jouer un rôle prépondérant dans l'après-guerre en Irak. Or, Powell ne veut pas en entendre parler. Se comportant et s'exprimant comme un véritable seigneur de la guerre, il a clairement signifié que ceux qui n'ont pas perdu d'hommes et d'argent dans cette guerre n'auront pas leur mot à dire dans le futur partage du gâteau. Celui-ci, rien que pour la reconstruction, s'élèverait à la bagatelle de 70 milliards de dollars selon des estimations faites par de nombreux experts. L'Europe, qui n'a pas dit son dernier mot, compte élaborer des ripostes dont la nature n'a pas encore été définie. Mais il ne fait aucun doute, comme l'a suggéré un ministre grec, présidant actuellement l'Union, que cette dernière s'exprimera d'une même voix s'agissant d'argent alors qu'elle n'avait pas dû le faire quand il s'agissait de guerre et de sauver des milliers de vies humaines innocentes dans le strict respect du droit international. Les mêmes types de conflits, ou presque, se profilent entre Anglais et Américains depuis que ces derniers ont décidé d'attribuer le projet de reconstruction du port d'Oum Kasr, sans avis d'appel d'offres, à une entreprise américaine Halliburton, dont le vice-président Dick Cheney, en avait été le président, alors que des entreprises britanniques voulaient à tout prix ce marché. Une pression très grande est exercée sur le Premier ministre britannique, Tony Blair, de la part des grands entrepreneurs anglais. S'il a survécu à celle des pacifistes, il ne fait aucun doute que celle des gros capitaux le fera tomber s'il ne trouve pas rapidement un compromis avec les Américains dans le partage du gros gâteau qu'aura indirectement laissé la dévastation de la plupart des infrastructures de base irakiennes. Mais les appétits, qui se mesurent à l'aune des marchés potentiels, ont créé des conflits importants au sein même des dirigeants américains. Mais la nature de ce conflit semble avoir choisi des «chemins de traverse» afin de sauver quelque peu la face. En effet, au sein de l'Administration Bush, les tensions sont vives sur la forme à donner à la future administration provisoire de l'Irak, autour notamment du rôle des Nations unies et des opposants irakiens. De hauts responsables américains ont indiqué, hier, que ces tensions entre le Pentagone et le département d'Etat compliquaient les plans pour mettre en place rapidement cette administration. Selon ces responsables, Powell se serait même mis en colère, ce qui ne sied guère à un «diplomate», en apprenant le plan de M. Rumsfeld, et, dans l'avion qui le ramenait jeudi à Washington, il aurait appelé la Maison-Blanche pour faire part de son opposition. Officiellement, Washington est resté flou sur le futur régime d'administration provisoire de l'Irak, sujet qui crée aussi des frictions avec l'ONU et les pays qui ne participent pas à la guerre. Une chose reste sûre, cependant, les coalisés comptent tout faire, ou presque, sauf «libérer» le peuple irakien...