Est-il caché quelque part à Bagdad ? Le mystère de sa disparition demeure entier. Saddam Hussein a joué une immense partie de poker menteur, un incroyable bluff, dont la principale victime est, aujourd'hui, le peuple irakien. Un poker dont l'enjeu était, entre autres, la mainmise sur les richesses de l'Irak. Quoique sachant l'état de décomposition de son armée, l'incapacité de sa Garde républicaine à constituer un barrage sérieux à la puissance de feu ennemie, et à l'invasion que préparaient minutieusement les coalisés anglo-américains, Saddam Hussein n'en continua pas moins à défier et à narguer George W.Bush, ce dernier, plus que jamais, déterminé à solder les comptes du dictateur irakien. Un exil en or avait, même, été offert au maître de Bagdad, dans l'optique, et l'espoir, pour la diplomatie internationale d'épargner les affres de la guerre au malheureux peuple irakien. Offre dédaigneusement rejetée par le potentat de Bagdad qui, dans des déclarations enflammées, affirmait qu'il mourrait en combattant aux côtés de son peuple. Dès lors, la sérénité et la détermination affichées par Saddam Hussein et son équipe, tout en faisant douter les coalisés américano-britanniques, laissaient croire que le président irakien disposerait dans sa manche d'un atout propre pouvant lui permettre de renverser la situation à son profit. Autrement, personne n'aurait compris que l'homme fort de Bagdad ait méprisé une sortie honorable, -sans doute aussi une retraite dorée-, pour lui et ses proches, (avec à la clé de limiter les dégâts matériels et humains), alors que son pouvoir vacillait sur ses bases. En réalité, Saddam Hussein ne régnait plus que grâce à la terreur que ses services de sécurité faisaient peser sur une population résignée. Aussi, le fait que Saddam Hussein n'ait plus donné signe de vie, depuis les bombardements du palais présidentiel, et du restaurant Al-Mansour où - selon les services de renseignements américains - il se serait trouvé avec ses fils et ses proches collaborateurs, ajoute à l'énigme entourant cette étrange disparition. Toutes les supputations sont envisageables, même si l'on se demande s'il faut accorder quelque crédit à la rumeur selon laquelle le président irakien, pressentant sa fin, ait négocié son départ. Pourquoi alors avoir refusé de partir, quand il en était encore temps? Ce qui lui aurait permis, à tout le moins, d'enlever tout prétexte aux Etats-Unis d'envahir son pays. Il ne l'a pas fait, donnant même l'impression de faciliter la tâche à son ennemi intime George W.Bush, qui n'en demandait pas plus, se comportant même de plus en plus comme un cow-boy lâché aux trousses d'un quelconque outlaw. D'autre part, ayant accepté de se battre, en demeurant, lui et son gouvernement, dans la capitale assiégée, se pose dès lors l'interrogation de savoir pourquoi l'armée irakienne n'a pas usé de moyens lourds contre les coalisés? Si l'on excepte la résistance de Oum Qasr, de Nassiriyah ou encore de Basra, essentiellement le fait de miliciens du Baâs et des Chiites, il faut bien relever que ni l'armée irakienne, en fait inexistante, ni la fameuse Garde républicaine n'ont, en réalité, pris part aux combats. A l'étonnement de tous les observateurs, Bagdad n'a pas résisté, elle est tombée au bout de deux jours, sans opposer aucune résistance. En vérité, la défaite de Saddam Hussein, ce ne sont pas les Américains qui la lui ont infligée, mais les Bagdadiens qui refusèrent de se battre, qui déboulonnèrent ses statues, qui pillèrent la capitale comme une ville ouverte, sans autorité. Une triste fin pour un régime qui n'a pas su se rallier le soutien de son peuple. Ainsi, ayant refusé la dignité de reconnaître sa faiblesse et son isolement et d'en tirer toutes les conséquences, en acceptant de partir en exil, tant qu'il en était temps, comme le lui ont proposé certains Etats arabes, Saddam Hussein n'a pas non plus saisi l'opportunité d'être à la hauteur de l'héroïsme qui lui était prêté, en réalisant un coup d'éclat qui aurait fait date contre l'envahisseur américain. En effet, mourir pour mourir, autant alors le faire en héros, avec élégance. Ce qui aurait, à tout le moins, à défaut de les effacer, atténué les effets du pouvoir sanglant qu'il exerça sur son peuple. Or, Saddam Hussein, a loupé une sortie qui aurait pu réhabiliter l'homme, à défaut de réhabiliter l'homme politique. En ne choisissant ni l'une ni l'autre solution, il disparaît plutôt mystérieusement, vraisemblablement dans l'anonymat des décombres du restaurant Al-Mansour, soufflé par une bombe géante. De fait, des «morceaux» de ce qui subsistait des occupants de l'établissement ont été envoyés, pour analyse de l'ADN, à Washington, afin de déterminer si, oui ou non, Saddam Hussein était parmi les victimes. En ratant sa sortie, Saddam Hussein qui, dans son bras de fer avec George W.Bush, a perdu sur tous les plans, a également laissé échapper l'opportunité de créer autour de son nom, -qu'il soit mort ou vivant-, le mythe qui aurait donné du fil à retordre aux nouveaux administrateurs américains qui envisagent de stationner en Irak pour du long terme.