Bush et son secrétaire à la Défense ne manquent pas une occasion de clouer au pilori Moscou et Damas. Les Américains ne perdent pas le Nord, et pendant qu'ils bombardent la ville de Tikrit, berceau de de Salah Eddine où sont censés être cachés Saddam Hussein et les déjà anciens dignitaires du régime irakien, ils revoient à la hausse la liste des pays rangés dans le fameux «axe du mal». Après la première fournée constituée de l'Irak, la Corée du Nord et l'Iran, cette liste s'enrichit subrepticement de la Syrie et de la Russie, les deux pays qui, d'après Washington, ont apporté une aide à Saddam Hussein avant, pendant et même après la chute du Raïs déchu. Bush et son secrétaire à la Défense ne manquent pas une occasion de clouer au pilori Moscou et Damas. Ainsi au plus fort des bombardements, Bush lui-même haussait le ton vis-à-vis de Poutine, l'accusant d'avoir fourni à Bagdad des armes et des technologies militaires de pointe capables de brouiller le guidage satellite des missiles. Cela pouvait passer pour une justification des dommages collatéraux, fortement réprouvés par l'opinion mondiale, y compris aux Etats-Unis mêmes, mais c'était aussi un avertissement à Poutine pour lui rabaisser le caquet, au moment où il semblait «comploter» avec ses amis allemands Gerhard Shröder et français Jacques Chirac afin de raviver les instances de l'ONU et créer un large front antiguerre, et, partant, anti-Bush. Ces avertissements gradués de Bush se déclinaient sur plusieurs registres, puisqu'en plus des questions militaires et diplomatiques, l'Administration Bush excluait la Russie de la reconstruction de l'Irak, alors même que la compagnie pétrolière publique russe avait signé plusieurs contrats d'exploitation avec l'Irak. Et il peut paraître bizarre que ce soit au moment où l'on évoque avec insistance la dette russe en Irak et ses intérêts financiers et économiques que le très sérieux journal anglais Sunday Telegraph sort de derrière les fagots des informations confidentielles qui sentent à la fois le roussi et le rassis, puisqu'elles datent de quelques mois et qu'elles sont faisandées. Que rapporte le Telegraph? Tout simplement que des documents secrets ont été découverts dans les décombres du quartier général des services de renseignement irakien. Ces rapports, rédigés en arabe par des agents anonymes de l'ambassade d'Irak à Moscou, révèlent, toujours d'après le Telegraph, que la Russie a fourni à l'Irak un vaste éventail de renseignements dans la période qui a précédé la guerre. Outre les informations sur les marchés d'armement avec les pays voisins et les renseignements sur les conversations entre le Premier ministre britannique Tony Blair et d'autres dirigeants occidentaux, le clou de cette révélation porte sur une liste d'assassins disponibles pour des contrats en Occident. La déduction logique à tirer de cette dernière révélation est on ne peut plus claire: c'est au moment même où les Etats-Unis, touchés dans leur chair par les attentats du 11 septembre 2001, mènent une croisade sans merci contre le terrorisme, qu'on nous apprend tout de go que Moscou et Bagdad entretenaient des relations troubles sur des listes de tueurs à gages prêts à commettre des attentats dans différents pays en Occident. Cela a, à la fois, valeur de justification et d'avertissement : n'ayant pas trouvé d'armes de destruction massive, les liens supposés de Saddam avec le terrorisme international fournissent un argument pour la guerre déclenchée par Bush et Blair, et d'avertissement à Poutine pour qu'il mette un peu d'eau dans son vin et ne manipule pas trop l'ONU et l'Union européenne. Pour mieux enfoncer le clou, le Sunday Telegraph rapporte qu'on a aussi retrouvé sous les décombres des documents prouvant que Moscou et Bagdad ont signé des accords pour partager des renseignements, s'aider à obtenir des visas pour leurs agents respectifs, mais aussi échanger des informations sur les activités du réseau terroriste islamiste de Ben Laden. On vous le disait: les Américains ne perdent pas le nord. Pendant que Bagdad sombre dans le chaos, les GI vont fouiller les tombes et les ruines pour déterrer des preuves accablant Poutine et la Syrie.