Hier, tous les chemins menaient à Agouni Arous. Ce petit village, sorti de l'anonymat un certain 18 avril 2001, était, une nouvelle fois, au rendez-vous avec l'histoire. L'histoire écrite par Massinissa Guermah et 122 autres martyrs de cette Kabylie orgueilleuse, éternelle frondeuse et rebelle. 18 avril 2001 - 18 avril 2003, deux ans sont passés, mais le temps n'a pas estompé la colère et la douleur des premiers jours du printemps noir. Elles étaient là, visibles et lisibles sur les visages de tous ceux qui sont venus rendre hommage au martyr du drame kabyle, version 2001. Eploré et meurtri depuis ce sinistre jour, Agouni Arous était, hier, digne dans son rôle de détonateur des événements de Kabylie. Pour sa part, la famille Guermah, endeuillée, luttant contre l'oubli et la résignation, a communié avec toute cette marée humaine, estimée à des centaines de personnes et dont la présence ici était d'honorer la mémoire de Massinissa et de faire de son combat celui de tous les Algériens. Retour sur une cérémonie de recueillement truffée de charges émotionnelles et symboliques. Il était 9h 30. Le chemin menant de Beni Douala à Agouni Arous s'était paré du noir des banderoles circonstancielles où l'on pouvait lire «Ulac smah ulac», «Libérez nos détenus, jugez vos assassins»... Le petit hameau s'est avéré relativement exigu pour contenir toute la foule bigarrée venue de partout. D'ailleurs, la plupart des véhicules ont stationné à Tizi Hibel (le village de Mouloud Feraoun) et leurs occupants ont dû continuer à pied. Le service d'ordre, constitué essentiellement de jeunes des environs, était au four et au moulin. Outre la forte présence de jeunes, beaucoup de personnalités politiques et artistiques étaient présentes, hier, à Agouni Arous. Ainsi, Ferhat Mehenni, Abdelhak Brerhi, El-Hachemi Cherif et la soeur de Larbi Ben M'hidi étaient aux côtés de Khaled Guermah. 11h tapantes. Le recueillement émouvant et sans faste sur la tombe de Massinissa, près de la demeure familiale, débutait. Chacun voulait déposer sa gerbe de fleurs sur le mémorial de celui qui est passé désormais à la postérité. Dda Khaled et Nna Ouerdia Guermah ont fait preuve d'un courage et d'une sérénité remarquables, pour rendre hommage aux autres victimes. Vers midi, l'assistance était conviée à entendre les prises de parole des délégués de l'interwilayas et des représentants des familles de victimes. Dans leur allocution, les intervenants ont rejeté le jugement du gendarme «assassin» au tribunal militaire de Blida et ont plaidé pour la tenue du procès dans une juridiction civile. Le rejet du dialogue, la satisfaction de la plate-forme d'El-Kseur ainsi que la libération de tous les détenus du mouvement citoyen ont été réitérés par les intervenants. A la fin de cette mémorable cérémonie, les présents étaient conviés à une «waâda» organisée par le comité du village d'Agouni Arous. Au milieu de l'après-midi, la foule commençait à se disperser et les coordinations présentes s'attelaient à tenir un miniconclave sur place en vue de se concerter sur le rassemblement national qui aura lieu le 22 avril à Oued Amizour (Béjaïa). Ainsi donc, se termine ce deuxième hommage rendu à Massinissa Guermah et à travers lui à toutes les victimes du Printemps noir.