Une foule immense a assisté à la cérémonie de Béni Douala. Béni Douala, hier, était habillée de noir. Dans chaque coin de rue, presque tous les dix mètres sur la route menant d'Ath Mahmoud jusqu'au village d'Agouni Arous, des banderoles noires étaient suspendues, parfois avec le portrait de Massinissa Guermah, rappelant ainsi que la Kabylie, deux ans après le déclenchement des douloureux évènements du Printemps noir, est toujours en deuil. Comme l'année dernière, le village natal de la première victime du Printemps noir était, hier, un lieu de pèlerinage, de recueillement. Des centaines d'invités étaient au rendez-vous, des bus entiers transportaient de nombreux étudiants de l'université Mouloud-Mammeri de Tizi Ouzou, alors que les parents des martyrs dont les délégués de l'interwilayas, étaient présents. Même ceux qui s'étaient éclipsés il y a quelques mois ont fait une apparition hier. Des person-nalités et des représentants de partis politiques sont venus égale-ment déposer des gerbes de fleurs, à l'instar d'Abdelhak Bererhi (CCDR), Nordine Aït Hammouda (RCD), El-Hachemi Chérif (MDS), Ould Ali El Hadi pour une tendance du MCB et Ferhat M'henni (MAK). Par ailleurs, la cérémonie a été rehaussée par la présence de la sœur de Larbi Ben M'hidi, qui a pris la parole pour dire tout son engagement “pour l'éternité” aux côtés du mouvement citoyen, et par celle du beau-frère et secrétaire particulier de Mohamed Boudiaf, Amine Benabderrahmane. La tombe de Guermah Massinassa faisait face à une sublime chaîne de montagnes du Djurdjura dont les sommets sont toujours couverts de neige, en ce printemps qui était pourtant beau à Béni Douala. Des parents de martyrs et des délégués du mouvement citoyen se succédaient dans la prise de parole qui a débuté avec Khaled Guermah par une minute de silence sur fond de l'hymne national version Lounès Matoub, un autre enfant de la région, assassiné il y a presque cinq ans. “Il y a deux années, jours pour jour, les gendarmes de Béni Douala ont commis une injustice contre Massinissa. Malgré ses graves blessures, il a résisté avec tout son courage jusqu'au Printemps amazigh pour rendre l'âme. La Kabylie n'a pas accepté cette hogra ! Aujourd'hui, nous appelons à l'union et à la fraternité, c'est ce qui nous a manqué depuis quarante ans. Si nous sommes unis, nous atteindrons notre objectif, sinon, nous n'irons pas plus loin. C'est un mouvement rassembleur et non de division”, a déclaré Khaled Guermah, en implorant tous ceux qui voulaient bien l'entendre de rester unis. C'était le message de tous les autres parents de victimes qui ont pris la parole après et des délégués du mouvement citoyen. “N'oublions pas nos victimes. Elles sont mortes pour la dignité. Avec l'union, nous ferons tomber ce pouvoir maffieux et assassin”, martèle un autre parent de martyr de Béjaïa. De la CICB, Hammouche Djoudi, après avoir rappelé que le mouvement citoyen a fait serment aux 123 martyrs du Printemps noir, morts pour la dignité et la liberté, dira que la force des délégués qui luttent depuis deux années maintenant est la force de leurs convictions et la justesse de leurs revendications. Et de prévenir les “agitateurs”, relais du pouvoir, contre une quelconque tentative d'aller dialoguer au nom du mouvement citoyen. Un autre délégué de la CADC rappellera que la seule et unique alternative pour une Algérie une et indivisible est bien la plate-forme d'El-Kseur. Un appel fut lancé, en outre, pour participer le 22 avril prochain — décrété par le mouvement citoyen Journée nationale contre la hogra — au rassemblement qui aura lieu à Amizour, à l'occasion du deuxième anniversaire de l'enlèvement par la gendarmerie de trois collégiens, incident qui avait déclenché les émeutes dans toute la wilaya de Béjaïa. Un délégué de la wilaya de Sétif a pris la parole ensuite pour dire que le combat doit se poursuivre jusqu'au bout, que toute sa région est solidaire du mouvement citoyen. La foule s'est séparée non sans grands embouteillages, témoignant de l'importance du nombre de participants. Rendez-vous a été donné par tous pour participer à la marche populaire qui se tiendra aux chefs-lieux de wilayas, demain, 20 avril, à l'occasion du 23e anniversaire du Printemps amazigh, dont le mot d'ordre sera : la libération de tous les détenus du mouvement citoyen qui ont entamé le sixième mois d'une détention préventive, et la satisfaction pleine et entière de la plate-forme d'El-Kseur. K. S. La fondation Matoub-Lounès décerne le prix de la Résistance aux martyrs du Printemps noir C'était lors d'une cérémonie qui s'est déroulée à Taourirt Moussa, village de Matoub Lounès, jeudi dernier, que la fondation qui porte le nom du chantre de l'amazighité a décerné le prix de la Résistance à tous les 123 martyrs du Printemps noir. Malika Matoub était absente et c'est sa mère qui a pris la parole pour dire qu'il ne fallait pas oublier les détenus. Une fresque a été, par ailleurs, inaugurée sur le lieu même de l'assassinat du Rebelle à Tala Bouinane, elle représente la couverture de son dernier album Lettre aux… K. S.