Son interdiction, hier, ouvrira certainement une nouvelle phase dans les rapports mouvement citoyen-pouvoirs publics. Décidément, la remise de la plate-forme d'El-Kseur par les ârchs au Président de la République, tel le rocher de Sisyphe, semble un éternel recommencement. La marche des délégués d'hier n'a pas échappé au syndrome de l'interdiction qui a frappé toutes les autres organisées jusque-là. Les marcheurs, qui, dans leur majorité, pensaient que cette fois était la bonne, après l'invitation faite par le Président pour la remise de la plate-forme de revendications, ont vite déchanté. En effet, les délégués n'ont guère dépassé le lieu dit l'Aâzib, où un impressionnant dispositif de sécurité a été déployé. Ils étaient environ 3000 délégués à observer un sit-in sous un soleil de plomb avant de rebrousser chemin à midi sans qu'aucun incident majeur soit signalé. L'amertume et la déception se lisaient sur les visages. Au retour, la permanence de wilaya, sise au théâtre Kateb-Yacine, a été «assiégée» et un meeting y a été improvisé. Prenant la parole, devant une assistance surexcitée, un délégué de la wilaya de Béjaïa appelle à la sagesse et «à rester vigilant pour préserver les vies humaines. Le pouvoir totalitaire nous a empêchés de déposer la plate-forme d'El-Kseur. C'est un pouvoir qui ment.» Et d'ajouter: «Le mouvement s'inscrit dans la durée et on ne peut trahir le sang de nos martyrs.» Se voulant rassurant pour ceux qui développent un discours pessimiste, il dira que le mouvement a enregistré des acquis. Lui succédant, un délégué de la wilaya de Tizi Ouzou lance d'emblée: «La solution passe par le départ du pouvoir.» Avant d'enchaîner que sur «invitation officielle, il nous ont réprimés». Juste après, une réunion regroupant les représentants des wilayas de Tizi Ouzou, Béjaïa et Bouira a été improvisée. Les délégués, unanimes, ont condamné cette interdiction de trop et insisté sur les perspectives à donner au mouvement de protestation. Un changement de stratégie et une éventuelle radicalisation ne sont pas à écarter. Aussi, la délégation reçue par le Chef du gouvernement, n'a pas échappé aux tirs croisés des délégués qui parlent de «complot» et de «manoeuvres destinées à briser l'élan du mouvement». Enfin, la prochaine interwilayas, convoquée en la circonstance pour les 11 et 12 de ce mois à Béjaïa, s'annonce d'ores et déjà très chaude. L'avenir du mouvement, pris entre les tenailles de la négociation ou de la radicalisation, en dépendra.