A l'égal de leurs marines, les diplomates américains ne lâchent jamais prise une fois leur cible atteinte. Les accusations américaines contre la Syrie se suivent et ne se ressemblent pas. Elles se font, en effet, de plus en plus précises à mesure que l'armée US renforce son emprise sur l'Irak et affiche clairement ses intentions dans la région. De hauts responsables, sous le couvert de l'anonymat, ont indiqué, hier, dans les colonnes du journal arabophone paraissant à Londres, Asharq al Awast, que «Washington a officiellement saisi Damas concernant l'extradition de sept anciens hauts responsables du régime de Saddam (au moins) qui ont trouvé refuge en Syrie». Le plus gradé d'entre eux, indiquent les mêmes sources, est Mustapha Abdallah Attakriti, secrétaire de la Garde républicaine et de la Garde spéciale de Saddam. Il figure juste après Qussaï, dans la liste des 52 personnes les plus recherchées. Il s'agit là, estiment de nombreux observateurs, d'une attaque directe contre le régime Baâth de Damas. Ce dernier est officiellement accusé d'héberger des personnages précis de l'ancienne garde de Saddam Hussein. Les autorités syriennes, qui subissent désormais des assauts quotidiens, n'ont pas encore répondu à celui-là. Le président syrien, Bachar Al-Assad, avait, hier, fort à faire en recevant son homologue égyptien, Hosni Moubarak. Les deux responsables se sont longuement attardés sur «les menaces américaines qui pèsent sur la Syrie», a indiqué l'agence officielle Sana. L'Egypte, principal allié de la Syrie dans son bras de fer diplomatique contre le gendarme du monde, soutient la Syrie dans toutes ses démarches. Le chef de la diplomatie syrienne, Farouk Al-Chareh s'est, une nouvelle fois, exprimé, hier, sur les ondes de la télévision égyptienne. Il a, à cette occasion, rappelé que son pays, soupçonné par Washington de détenir des armes de destruction massive, «ne permettrait aucune inspection de son arsenal militaire et de son territoire». Il a ajouté que «tout le monde sait que ces accusations sont sans fondement», précisant qu'«à supposer que les Arabes possèdent des armes de destruction massive, celles-ci ne constitueraient que 10 % de ce que possède Israël». D'où le dépôt, mercredi dernier, d'un projet de résolution au niveau du Conseil de sécurité de l'ONU visant à prohiber ce genre d'armements dans toute la région du Golfe. La Syrie, selon nombre d'observateurs, n'ignore pas que même dans le cas où le projet de résolution viendrait à être débattu par le Conseil, il se heurterait inéluctablement au veto américain. Ces derniers, en effet, admettent de plus en plus volontiers avoir surtout mené la guerre à l'Irak dans le but d'éloigner la principale menace militaire qui pesait sur Israël. La seconde menace est, bien entendu, le second pays dirigé par le parti Baâth, la Syrie en l'occurrence, dont l'armée protège toujours le Liban, aux prises avec Israël et dont le Sud, Les monts du Golan, est toujours occupé par Tsahal. Impossible, de ce fait, que les Américains se «calment» avant une totale abdication de Damas et le retrait de ses troupes des territoires libanais. Le bras de fer, diplomatique, il faut le dire, promet d'être «dantesque». Le nouveau gouvernement libanais, formé, hier, par Emile Lahoud a réitéré sans ambages son attachement à des relations privilégiées avec Damas ce qui a eu pour effet de faire grincer les dents des membres du Congrès américain en visite le même jour en Syrie et reçus par le président Bachar Al-Assad. Pendant ce temps, les Américains, dont l'hégémonie sur l'Irak n'est plus à démontrer, viennent de décider de laisser durablement leurs troupes dans certains sites militaires stratégiques de ce pays avec l'accord (futur) du (futur) gouvernement. La confection de la carte régionale du Golfe a commencé. Bien malin sera celui qui saura dire quand tout ceci prendra fin enfin...