«Désormais, le bâton ne sévira plus dans les prisons.» «L'institution pénitentiaire fera oeuvre de pédagogie, notamment dans la réinsertion des délinquants». C'est ce qu'a déclaré Abdelkader Sallat, ministre délégué auprès du ministère de la Justice, chargé de la réforme pénitentiaire, qui a présidé, hier, la cérémonie de sortie de la seizième promotion des agents de rééducation stagiaires à l'Ecole nationale de l'administration pénitentiaire de Sour El-Ghozlane. La promotion sortante a été baptisée au nom du chahid du devoir, Chaouche-Ahmed, victime du terrorisme le 24 février 1993. Les 326 éléments de cette nouvelle promotion ont effectué six mois de formation - entre théorie et pratique - en milieu pénitentiaire de prévention et de réadaptation. Mais l'innovation réside dans le fait qu'à la formation classique, purement «sécuritaire», les agents de rééducation se trouvent maintenant dotés de tout un bagage en sciences sociales, humaines et juridiques. Ce qui va en droite ligne du but du ministère de la Justice, qui est celui de faire de la formation un axe essentiel de la réforme pénitentiaire. «Les réformes valent ce que valent les hommes qui les appliquent», dit à ce propos Sallat. Il ajoute que l'univers carcéral est un monde spécial où la violence ne manque pas de se manifester, il est donc vital de doter d'intelligence les agents qui y travaillent, ce qui ne peut que favoriser la préservation de la dignité du prisonnier et améliorer les conditions de détention. Le ministre délégué promet de puiser dans le vivier des universitaires pour améliorer et parfaire l'encadrement dans les centres de rééducation. Du moins en fonction de ce que permet la loi de finances 2003 pour créer de nouveaux postes budgétaires pour les médecins et autres spécialistes. Car Sallat demeure convaincu que la détention ne coupe pas le prisonnier de la société. Loin s'en faut. D'où la nécessité de préserver sa santé et d'oeuvrer à la réinsertion sociale puisque, selon lui, la manière de purger sa peine détermine de beaucoup le taux de récidive. Pour préserver la société contre le crime, Sallat estime encore utile d'instaurer un équilibre entre le disciplinaire et le pédagogique particulièrement pour les délinquants primaires. Par ailleurs, Sallat promet d'éradiquer les prisons vétustes dont certaines remontent à 1828, en fonction des moyens dont dispose actuellement l'Etat. Pour ce faire, l'on compte établir un diagnostic, le moins complaisant et le plus objectif possible. Ce diagnostic s'applique surtout aux établissements implantés en milieu urbain. 78 de ces bâtisses sont appelées à être éliminées, l'exemple d'Aïn Defla où la prison datant de 1846 est notamment citée. Ainsi de nouvelles infrastructures verront le jour incessamment à Koléa, Khemis El-Khechna, Aïn Témouchent, Remchi, Babar (Khenchela) et Oum El-Bouaghi où des chantiers sont en cours de réalisation. D'après Sallat, la délinquance juvénile en Algérie est loin d'être aussi alarmante qu'on ne le croit. Elle serait estimée à moins de 3% de la population pénale évaluée à 40.000 détenus. Il avance le chiffre infime de 600 mineurs. Avant de quitter la wilaya de Bouira, le ministre délégué a fait un crochet au centre de détention de Lakhdaria où il s'est directement entretenu avec des prisonniers de droit commun. Comme toutes les prisons, cette dernière respirait la tristesse et l'ennui qui contrastent violemment avec l'âge de ses locataires, en majorité jeunes. Une preuve supplémentaire que la prison a plus que jamais besoin d'être humanisée. Mais l'administration carcérale reste en mal d'encadrement en psychologues, en assistants sociaux... Pourtant, les postes budgétaires sont là. L'on n'hésitera pas à créer des stimulants matériels pour attirer toutes ces compétences. Car si réforme il y a, c'est surtout pour éviter le scénario Serkadji.