Le politiquement correct consiste à applaudir des deux mains à toutes les décisions prises au niveau gouvernemental. Cette logique peut sans doute s´appliquer aux ministres, aux présidents des SGP et aux directeurs d´entreprises publiques, qui par correction pour certains, par opportunisme pour dautres, ne veulent pas mettre dans l´embarras l´autorité qui les a nommés. Elle peut même s´appliquer à certains opérateurs privés qui ne doivent leur bonne fortune qu´aux liens de complicités qu´ils ont su nouer au sein des institutions publiques. On ne parle pas la bouche pleine, c´est connu. Quelle est donc cette décision gouvernementale qui fait saliver certains, provoquant des réflexes pavloviens chez d´autres? C´est le plan de relance économique de 50 milliards de dollars. Une panacée, un véritable plan Marshall, une oasis verdoyante après une traversée du désert qui aura duré plus de dix ans et une saignée à blanc par le FMI. Tous les superlatifs et les termes laudatifs sont les bienvenus pour parler d´une telle décision. Et pourtant la chose n´est pas aussi simple. Car ici et là, au sein des couches les plus diverses de la population, ça craint! 50 milliards de dollars, soient 10 milliards par an sur cinq ans ça ouvre la porte à toutes les convoitises. Bonjour la corruption, la fuite des capitaux, le gaspi ! Cela dit, entendons-nous : on avait reproché au gouvernement de dormir sur un matelas de 20 milliards de dollars pendant que la pauvreté et le chômage gagnaient du terrain, et maintenant qu´il met au service du développement une cagnotte astronomique, on l´accuse sans preuve de vouloir dilapider les deniers publics. C´est que la chose n´est pas aussi simple. Il vaut mieux que cet argent reste dans les caisses de l´Etat plutôt que de le voir aller dans le ventre des requins, qui sont prêts à boire le sang, la sueur et les espoirs des petites gens. S´il s´agit de gaspiller 50 millions de dollars dans la réfection des trottoirs, le ravalement des façades, l´organisation de cérémonies bidon, tout en facilitant l´évasion d´une bonne partie de ce montant vers les paradis fiscaux, le plan de relance ne sera plus qu´un écran fumigène pour des magouilles douteuses. Et sans que le citoyen en tire le moindre dividende. Le ministre des Mines et de l´Energie, Chakib Khelil, a déclaré au journal El Hayat édité à Londres que les recettes de l´Algérie avoisineront bientôt les 30 milliards de dollars par an. Puisqu´on raisonne maintenant par quinquennat, on peut en déduire qu´il y aura dans les caisses de l´Etat quelque chose comme 150 milliards de dollars dans cinq ans. Le plan de relance ne représente en fin de compte que le tiers de ce pactole. Quel sera l´impact de ce plan sur la vie quotidienne de cette mère de famille, à laquelle le mari, dont le salaire est de 14.000 dinars par mois, laisse chaque matin 200 DA pour nourrir une famille de huit membres. Connaissant les habitudes alimentaires de cette famille, on sait qu´elle va d´abord acheter deux sachets de lait et dix baguettes de pain. Il lui restera environ 70 DA. Elle hésitera entre obtenir deux kilos de pommes de terre ou un kilo de pâtes ou de riz. Elle ne pourra pas s´offrir plus que ça. Le père de famille en question, comme tout Algérien qui se respecte, c´est-à-dire râleur et éternel insatisfait, se demandera ce qu´il peut attendre de ce plan, sachant que l´utilisation des 50 milliards ne touchera pas le secteur tertiaire et les services, le tourisme, les banques, les finances, le marché des capitaux, les communications, la publicité, la production audiovisuelle, l´édition sous toutes ses formes, le gouvernement allant à rebrousse-poil des lois économiques universelles. Dans le monde entier, c´est le secteur tertiaire qui est facteur de croissance et créateur d´emplois. Or c´est le secteur qui est justement verrouillé en Algérie. Sans oublier les infrastructures de base qui peuvent servir d´assiette à l´accueil des PME-PMI.