La francophonie frappe aux portes d´Alger. Alors que certains y voient un bon augure, d´autres au contraire font la moue, tous sont pourtant d´accord pour faire la queue devant le consulat de France à l´effet d´obtenir le visa. On est comme ça, nous les Algériens. Frileux. Assis entre deux chaises. On a eu le socialisme spécifique. On a maintenant nos propres règles en économie de marché, plus proches de l´informel et du bricolage tous azimuts. Vis-à-vis de la francophonie, nous adoptons la même attitude. Nous voulons des visas, des euros, des cartes de séjour, mais nous voulons que cela se fasse hors de la francophonie, qui pour nous, a des relents colonialistes. La réponse des responsables de la francophonie est simple : le mouvement a des règles, des instances, des traditions, une comptabilité. Et certaines aides, notamment dans le domaine de la formation, ne sont accordées qu´aux pays membres. Ce qui fait qu´un pays lointain, où il existe à peine un millier de citoyens baragouinant le français, a plus de chances de bénéficier de ces aides qu´un pays de 32 millions d´habitants, considéré comme le deuxième pays francophone du monde après la France. L´autre argument qui consiste à opposer francophonie et arabophonie ne tient pas non plus la route. Sommes-nous plus arabe que l´Egypte? Ou le Liban? On peut parfaitement maîtriser les deux langues de civilisation que sont le français et l´arabe, et être bien dans sa peau. Au niveau international, il ne fait aucun doute que les efforts de Jacques Chirac de resserrer les liens de la France avec l´ensemble du monde arabe trouvent un écho favorable du Golfe à l´Atlantique : la mort de Yasser Arafat à l´hôpital militaire français de Paris est le dernier exemple de cet intérêt chiraquien pour le monde arabe. Quant à l´accueil dont il a bénéficié auprès des jeunes de Bab El Oued et d´Oran, où il lui a été donné de faire des bains de foule comme il les aime, il reste dans toutes les mémoires. Dans toutes ces péripéties, on retiendra surtout l´humour très corrosif de M.Belkhadem, qui ne voyait pas d´inconvénient à ce que l´Algérie adhère à la fois à la francophonie et au Commonwealth. C´était une manière pour lui de dire que l´Algérie n´a aucun intérêt à déserter les grands regroupements internationaux. Celui qui avait un point d´honneur à parasiter un voyage d´Enrico Macias en Algérie, bien à tort du reste, s´est rattrapé par la suite. C´est vrai qu´entre-temps, il avait changé de statut. L´opposant était devenu ministre d´Etat en charge de la diplomatie du pays. C´est sous son égide du reste que l´Algérie a signé un contrat d´association avec l´Union européenne et qu´elle a participé pour la première fois au sommet de la francophonie, en tant qu´invitée il est vrai. Comme quoi, il ne faut jurer de rien, et ne pas dire: «Fontaine je ne boirai pas de ton eau». Prenez cette affaire des cartes TPS. Subitement, des Algériens se sont sentis orphelins, car ils n´ont plus leur bouquet favori. On voit à ce propos l´imbrication des relations algéro - françaises, leur densité, leur chaleur, mais aussi l´exaspération qui resurgit à chaque fois qu´on veut y mettre un peu de logique. Y a-t-il une raison dans les histoires d´amour et de haine? On a entendu des Algériens tout ce qu´il y a de sérieux proposer un marché à Chirac: oui, on adhère à la francophonie, mais seulement en échange des cartes TPS. Ça veut dire quoi? Cela veut tout simplement dire que la francophonie est quelque chose de trop vague pour nous, mais que pour beaucoup d´Algériens, elle est tissée de tous ces petits riens qui font la vie de tous les jours.