La réunion du Conseil de sécurité, prévue le 19 de ce mois, s'annonce décisive pour toutes les parties concernées. Les informations rapportées par notre journal dans de précédentes éditions, faisant état d'un rapprochement entre l'ONU et le Maroc au détriment du droit international et celui du droit des peuples à l'autodétermination, ont eu tendance à se confirmer. C'est ce que rapporte l'agence de presse sahraouie citant un ex-haut responsable onusien. Selon celui-ci, «Kofi Annan, secrétaire général de l'ONU, dès son arrivée à ce poste en 1997, avait demandé directement à son envoyé personnel au Sahara occidental, James Baker, de travailler en faveur de l'intégration du territoire au Maroc». Ce responsable, Marrack Goulding, indique dans ses Mémoires que Baker a été chargé de «négocier un accord basé sur une autonomie pour le Sahara occidental au sein du royaume du Maroc». En agissant de la sorte, Annan semble avoir outrepassé ses prérogatives puisque le Conseil de sécurité, à travers sa plus importante résolution, l'avait, au contraire, chargé d'organiser un référendum d'autodétermination du peuple sahraoui. Seul le Maroc avait refusé cette option, parfaitement légale, et avait oeuvré par tous les moyens à la faire échouer, ce qui semble être le cas présentement. Le contenu de la proposition de James Baker, transmise aux deux parties en litige ainsi qu'aux pays jouissant du statut d'observateurs, dont l'Algérie, abonde dans le même sens. La proposition en avait été faite à l'occasion d'une tournée dans la région de James Baker entre les 14 et 17 janvier passé. Ce document, comme rapporté en exclusivité dans ces colonnes, il y a de cela plusieurs semaines, se propose d'accorder une très large souveraineté marocaine sur la Rasd (République arabe sahraouie démocratique), notamment en lui accordant la gestion de la défense, des affaires étrangères, de la monnaie et même de l'économie, notamment les richesses souterraines et halieutiques qui éveillent tant les convoitises du royaume chérifien. Ces nouvelles donnes risquent d'avoir de très graves conséquences sur les relations entre l'Algérie et le Maroc. La visite à Alger de Driss Jettou, chef du gouvernement marocain, officiellement annoncée, risque d'être renvoyée aux calendes grecques, indiquent des sources diplomatiques. Celles-ci ajoutent que le sommet de l'UMA, qui va de report en report depuis près de deux années, est, lui aussi, fortement compromis, de même que l'ouverture des frontières que devaient sceller Bouteflika et Mohammed VI à l'occasion d'une rencontre, qui aurait été, historique à la frontière entre les deux pays. Les fameuses médiations françaises dans le but de normaliser les relations entre les deux pays, démenties aussi bien du côté algérien que du côté marocain, ne semblent avoir été qu'une simple vue de l'esprit. La France, à l'occasion de la visite d'Etat de Chirac en Algérie, s'était prononcée en faveur du droit international, donc de l'autodétermination du peuple sahraoui. Mais l'Hexagone, il faut bien le dire, ne pèse plus très lourd face aux Américains depuis la guerre contre l'Irak. Les Etats consultés avaient jusqu'au mois de mars pour remettre leurs réponses. Retard symptomatique s'il en est, trahissant la nouvelle tension en train de sourdre dans la région, ces réponses ne sont tombées que depuis quelques jours alors que James Baker ne les a officiellement transmises aux membres du Conseil de sécurité que vendredi. Il a, par la suite, eu des entretiens séparés avec les représentants permanents algérien et marocain auprès des Nations unies. En cas de consensus, cet accord, rapporte l'agence de presse sahraouie, sera soumis à un référendum supervisé par les Nations unies, a souligné M.Annan dans sa lettre. «Les bases, de ce soi-disant accord, seraient que le Maroc accepte d'accorder une plus large autonomie au Sahara occidental que celle déjà accordée à ses autres régions, et d'accorder un statut spécial pour les chefs du Front Polisario. En échange de cela, le Polisario acceptera l'intégration du territoire au Maroc», indique l'agence SPS. Le Conseil de sécurité doit se pencher sur les réponses des parties concernées le 19 du mois courant, immédiatement après la publication du prochain rapport de Kofi Annan relatif à cette question. Le mandat de la Minurso (force d'interposition onusienne) expire, lui, le 31 de ce même mois. Les bruits de bottes se font déjà entendre dans la région...