Sur le plan politique, deux événements majeurs, la réconciliation nationale et la Kabylie, dont les implications mettent en évidence des contradictions plutôt inquiétantes, font que le champ politique n´est plus le lieu du prélassement. La presse s´en est saisie pour structurer le débat duquel il ressort que le recours aux unilatéralismes serait plutôt un facteur d´aggravation de la crise. En jetant la réconciliation nationale, dans la rue, sans en expliciter le contenu ni son étendue, le président laisse s´amorcer un débat qui rappelle un peu celui qui avait porté sur la charte nationale. Mais l´importance du sujet, et un enjeu qui n´est pas facilement gagnable, montrent que les stratégies des acteurs sont restées en l´état, ce qui démontre que la transition politique dont on a dit qu´elle a été clôturée, n´a pas en fait été une transaction politique. Elle ne fait que démarrer. Nous sommes encore très loin de parvenir à un échange de concessions dont la finalité est de solder le passé de tous comptes. Quelle ligne stratégique pour la conduite de la démarche de réconciliation nationale? C´est d´abord Madani Mezrag qui remet les pendules à l´heure, à son heure. En «légitimant» les raisons d´un recours à l´emploi des «armes», il distingue entre ceux qui ne combattent que les forces de sécurité pour lesquels il s´agit d´un conflit interne armé, et ceux qui massacrent les populations et qui sont donc des terroristes. Le président enfonce le clou en parlant de 200.000 victimes, tandis que Ksentini l´enfonce encore plus en révélant qu´entre 1992 et 1997, les incarcérations ont concerné 500.000 personnes liées au terrorisme. De tels chiffres accréditent l´idée que sont validés les éléments d´un conflits interne, ce que confirme Madani Mezrag dans l´interview accordée au journal L´Expression, et ce qu´accrédite la thèse d´une guerre civile formulée à l´époque par le gouvernement de la gauche française. Dès lors, la voie serait ouverte pour accepter l´idée d´une tragédie nationale qui désindividualise les responsabilités et ne culpabilise que les contextes, car une amnistie générale décriminalise la violence et confère à cette dernière une couverture politique. Le clou est enfoncé une fois pour toutes quand Abdelhamid Mehri affirme que le pacte de Sant´Egidio est toujours d´actualité, c´est-à-dire qu´il concerne tous les «politiques» sans exclusive. A ce niveau, il y a une contradiction entre les deux visions portant réconciliation nationale. La réconciliation nationale, proposée par le président, si celle-ci n´est que le prolongement de la concorde civile, offre la réintégration exclusivement sociale, tandis que celle de Sant´ Egidio offre la réintégration politique. La distance entre ces deux visions est donc assez, même trop grande pour parvenir à la raccourcir. Concernant la question de la Kabylie, là encore la distance est trop grande entre les acteurs qui sont impliqués. Les arrouch dialoguistes ont soigneusement évité El Kseur pour mener leurs campagnes d´explication et pourtant, c´était là qu´était née la plate-forme. Le FLN est revenu à ses divisions initiales. Il n´en avait grandement pas besoin, mais alors pas du tout, tandis que les partis de la région, y inclus le PT, vont tenter, à travers la commémoration du 20 Avril, de récupérer le terrain pour démontrer l´absence de représentativité des dialoguistes auxquels maintenant s´opposent leur anciens compagnons. Pour les deux camps, rien n´est encore gagné d´avance, mais en Kabylie, il y a maintenant un grand consensus qui unit indirectement les arrouch non dialoguistes, les militants locaux du FLN, le PT , le RCD et le FFS. C´est peut-être là, la sortie de crise qui se dessine. Le chef du gouvernement y est pour beaucoup d´autant qu´on ne parle plus que de la dissolution et pas de la plate-forme d´El Kseur.