Un jour viendra, dans vingt ou trente ans, où les réserves de pétrole seront épuisées en Algérie, et le pays cessera alors sa courbe ascendante pour entamer la descente inexorable de la pente, soit la dégringolade aux enfers. Néanmoins, toutes les fois que le gouvernement présente son bilan devant les députés, toutes les fois que la loi de finances est élaborée, on a l´impression que les princes qui nous gouvernent sont inconscients de cette réalité, pour ne pas dire insouciants comme des veaux lâchés dans une verte prairie, sans savoir que les loups rôdent aux alentours. Lorsque ce moment viendra, le pétrole n´assurera plus les 95 % de recettes en devises de l´Etat. Dans le même temps, la population aura presque doublé (entre 45 et 50 millions d´habitants). Et les besoins en énergie devront être satisfaits par les importations, alors même que l´Algérie fait déjà venir de l´étranger, bon an mal an, à hauteur de 13 milliards de dollars en produits alimentaires, médicaments, inputs, services et équipements divers. Lorsque les puits seront asséchés, ce sera la totale. Ouyahia qui veut faire rêver les Algériens, oublie cette réalité amère. Ouyahia qui se prend pour un architecte, n´est pas au courant de la pénurie de sable. Lui qui prétend tracer des plans sur la comète, ignore le cauchemar des pères et des mères de famille. Lui qui veut réformer l´école, ne sait pas le devenir des milliers d´adolescents qui se retrouvent dans la rue, avec, pour tout horizon, un bout de mur à soutenir ou un mégot à fumer en groupe. Ceux qui s´opposent à la suppression de la filière islamique sont encore plus utopistes que lui, parce qu´ils refusent de voir qu´on va livrer à la rue des fournées de chômeurs. Lui qui se prend pour un bâtisseur, il reste là à faire du surplace au pied du mur. Et nous avec. Il y a une politique de l´autruche à dilapider l´argent du pétrole dans la friperie et le prêt-à-porter, dans la réfection des trottoirs, alors que la véritable réforme tarde à venir, et que la réforme financière, pour une meilleure affectation et utilisation des ressources publiques, rencontre la résistance des milieux affairistes et des groupes d´intérêt qui se partagent la rente. La crise multidimensionnelle qu´a connue l´Algérie au cours des vingt dernières années (soit au moins depuis 1986) pourra être bénéfique si elle a fait prendre conscience de la nécessité de lutter contre la corruption autrement qu´en faisant des campagnes intermittentes, juste pour amuser la galerie, pour faire payer le lampiste, en laissant les gros requins continuer à sucer le sang des Algériens. Ainsi est la réalité algérienne : plus que jamais, Ouyahia occupe tout l´espace. Chef de parti, chef du gouvernement, il brasse de l´air en faisant du dialogue en vrac et en gros, avec les travailleurs, avec le patronat, avec les archs, et lorsque cela ne suffit pas, il tient des bipartites et des tripartites. On attend avec impatience l´invention de la quadripartite et de la «pentapartite». Si cela n´existe pas, Ouyahia va l´inventer. Mais ce qui l´intéresse le plus, c´est la monopartite, les longues digressions monologuées avec lui-même, de préférence devant les élus de la nation, avec obligation de retransmission par le petit écran, pour faire partager à la nation toute entière ses soliloques. Pendant ce temps, l´opposition décapitée compte ses pertes, en espérant au fond d´elle-même qu´à force de tenir le crachoir, Ouyahia sera fatigué et leur passera le micro. Mais Ouyahia n´est pas de ceux qui se fatiguent. Il est né pour parler. Pour parader. En faisant de grands gestes devant les caméras pour faire croire que les dirigeants travaillent. Dans ce cas, ils seraient les seuls, dans un pays où tout est à l´arrêt.