la reconduction du ministre de l'Intérieur à son poste gâche une occasion en or d'améliorer son image de marque en Kabylie. Le maintien du ministre de l'Intérieur dans le gouvernement Ouyahia appelle un certain nombre d'interrogations quant aux véritables intentions du pouvoir par rapport à la crise en Kabylie. En effet, il est entendu que le nom de Zerhouni est associé à des errements des hautes autorités du pays dans la gestion du dossier du mouvement citoyen. Il est important de souligner, à ce propos, que c'est la première phrase prononcée par le ministre de l'Intérieur au sujet du défunt Massinissa Guermah qui a mis le feu aux poudres en Kabylie. Une flambée de violence sans précédent dans cette région du pays s'est soldée par la mort de plus de 120 jeunes. Depuis, tout un chacun a constaté des avancées certaines du mouvement qui, sous l'impulsion de la rue en Kabylie, a réussi à décrocher beaucoup d'acquis et obligé le pouvoir à reculer sur de nombreuses questions, notamment celles concernant la constitutionnalisation de tamazight et l'indemnisation des familles des victimes du printemps noir. La seule tache noire au tableau n'est autre que le ministre Zerhouni auquel l'opinion publique ne semble pas pardonner la manière, pour le moins peu diplomatique, avec laquelle il a géré le dossier dans les premiers mois de la crise. Donné à plusieurs reprises démissionnaire, l'homme n'en est pas moins toujours présent dans l'effectif gouvernemental, et qui plus est, à un poste qui le met directement responsable de la crise qui secoue la Kabylie. Aussi, sa reconduction soulève-t-elle l'incompréhension de nombreux observateurs qui n'écartent pas l'éventualité de l'éloignement de l'issue à la situation conflictuelle qui prévaut dans la région. En effet, les mêmes observateurs s'attendent à un reflux du discours radical au sein des ârchs, dont les représentants les plus durs tiendront, à travers le maintien du ministre à son poste «la preuve de la mauvaise volonté du pouvoir» à régler la crise en Kabylie. Faut-il souligner que même si les thèses défendues par les radicaux du mouvement ne font pas l'unanimité, il n'en demeure pas moins que le point relatif au départ de Zerhouni est, quant à lui, partagé par tout le monde, notamment les citoyens moyens qui ont pris leur distance vis-à-vis de la tendance radicale des ârchs. Avec la donne Zerhouni, il sera très difficile au nouveau gouvernement de convaincre la population de Kabylie de sa bonne foi. La raison en est que cette dernière aurait vu dans le limogeage de Zerhouni un geste de bonne volonté de la part du pouvoir. Or, il semble que ce soit la seule concession que Bouteflika n'ait pas l'intention de faire. A défaut d'être un retour à la case départ, le maintien du ministre de l'Intérieur à son poste constitue, selon les observateurs, une autre «gaffe» du pouvoir, en ce sens qu'il gâche une occasion en or de dégeler les relations troubles qu'il entretient avec la Kabylie depuis plus de deux ans. Au plan strictement politique, il est clair que cet état de fait n'est pas pour encourager l'émergence d'un climat propice à l'organisation des élections locales partielles, plusieurs fois reportées à cause justement de la présence de Zerhouni au gouvernement, l'un des principaux sujets du différend qui empoisonne le climat politique dans la région. Enfin, les réactions des uns et des autres ne semblent pas saluer le choix du Président, loin s'en faut.