Nous vivons un été chaud, très chaud. Et il n´y a pas que la canicule ou les incendies pour échauffer les esprits. Déjà, le sens de l´humour populaire commence à faire circuler maintes anecdotes sur ce qui ne se passe pas dans les travées du pouvoir. Pour le quidam qui peine, il n´y a pas de vacances. Il bénéficie, certes, d´un congé, mais il n´a pas de vacances. Alors, il s´occupe comme il peut, il bricole à la maison, s´il sait bricoler. Il s´occupe de son champ de figuiers si celui-ci a été épargné par le feu. Sinon, il s´ennuie royalement. Alors, il passe son temps à faire des analyses biscornues sur la stratégie (ou le manque de stratégie) gouvernementale. Ses pensées acrobatiques le mènent à imaginer les desseins inavouables de ceux qui gouvernent. Il rêve sans cesse du sable fin de la plage du Club des Pins qu´il n´a pas foulé depuis quinze ans bientôt. Bientôt, avec l´extension de la nomenklatura, d´autres bouts de fraîcheur maritime seront réservés à de nouveaux nantis et les quidams seront repoussés toujours vers des lieux plus reculés ou vers une tentative désespérée qui le mènera peut-être sur des plages de Sicile. Il paraît que, là-bas, la mafia du coin, au moins, recrute... Alors, le pauvre quidam est arrivé au bout de ses desséchantes élucubrations à la conclusion que tout ce qui arrive, c´est de sa faute: il culpabilise à fond. Il ne se reproche point son engagement dans le processus de libération du pays du joug colonial. Cela non, il ne le regrette point. Il ne se reproche point d´avoir applaudi aux diverses élections ou coups d´Etat apparents ou déguisés. Non! Il bat sa coulpe honteusement: il regrette d´avoir manqué à son suprême devoir. Il n´a pas voté. Il ne sait comment faire pénitence pour réparer ce mouvement brusque qui l´a éloigné du bureau de vote. Certes, la campagne électorale a été comme toutes les campagnes, démagogique et ennuyeuse à souhait. Comment faire? Les candidats avaient promis de raser gratis! Alors, le pauvre quidam qui avait refusé d´apporter sa caution à la triste tournure que prennent les choses, et c´est, au moment où il s´apprêtait à acheter un kilo de pomme de terre à 70 DA, qu´une idée diabolique lui a traversé le tubercule qui lui sert de cerveau: et si la pénurie de patates n´était qu´une punition? On le met au piquet pour manquement à son devoir de citoyen! Impensable! Certes, le gouvernement de M. Belkhadem a beau se retrancher derrière les tensions qui existent sur le marché mondial de la pomme de terre, le mildiou, les spéculateurs ou la canicule, rien n´y fait! Il pense mordicus qu´on le châtie sévèrement: dernier avertissement pour l´élève quidam! Privé de dessert! Et pourtant, le pauvre quidam sait bien que le gouvernement, les députés ne sont là que pour tracer d´ingénieux plans sur le papier: prévoir la croissance, créer des emplois, construire des logements, aménager des routes, des ponts, faire des lois pour améliorer l´infernal chemin de croix du pauvre hère. Un gouvernement doit aussi savoir faire face aux événements ou catastrophes qui ne s´abattent en général que sur la tête du pauvre quidam, car il habite toujours là où il ne faut pas! Il habite l´immeuble qui succombe au moindre frémissement de la terre, il habite sur le parcours d´un oued qui, de temps en temps, sort de son lit... Inondations, épidémies moyenâgeuses sont souvent le lot du pauvre quidam. Mince alors, se dit-il! Le gouvernement nest pas là que pour distribuer la rente pétrolière. Il doit savoir faire face aux incendies, aux inondations et aux spéculations. A Athènes, le peuple a manifesté en masse contre l´incurie du pouvoir face aux incendies catastrophiques qui ont ravagé le Péloponnèse. Ici, le quidam prie pour que le Ramadhan prochain ne soit pas pire que le pire qui est prévu.