Disparition De la ferme de la famille D., à Fedj Mraouia (Souk-Ahras), il ne reste presque rien aujourd?hui. Situé à un jet de pierre de la frontière algéro-tunisienne, le modeste domaine agricole n?a plus été exploité depuis une quinzaine d?années, faute de bras, semble-t-il. Il y a bien eu cet oncle, qui a essayé de s?occuper des terres après la mort subite du père, mais qui a vite abandonné, n?étant pas rompu à la pratique de l?agriculture. La veuve et ses neuf enfants ont été obligés de quitter les lieux pour emménager à Souk-Ahras, laissant la ferme à des voisins. Ceux-ci avaient promis de contacter un métayer de leur connaissance mais n?en avaient rien fait et c?est ainsi que la bâtisse principale et les écuries ont été livrées aux assauts du temps. La toiture de ce qui fut jadis la maison du bonheur a entièrement disparu. N?en subsiste que des poutres vermoulues et quelques briques, vestiges du conduit de cheminée. Pas de portes, ni de fenêtres n?ont plus, comme si une bourrasque avait soudainement tout balayé. Madame D., accompagnée de ses deux garçons, contemple attristée ce spectacle, elle a tenu à visiter son ancienne demeure et ses garçons n?y ont pas vu d?inconvénient malgré leur emploi du temps chargé. L?un et l?autre occupent, en effet, des fonctions importantes dans l?administration et ne disposent que de brefs moments de vacances. Mais on ne peut pas refuser à une maman courage comme la leur un pèlerinage sur les lieux de leur enfance. Et ils sont là, tous les trois, à visiter une à une les pièces de leur ancienne maison. Si Mokdad et Abdelkrim revoient des images de leur tendre jeunesse, de leurs courses interminables à travers champs et des veillées autour de la grande cheminée, Madame D. est en proie à une profonde mélancolie. Elle se souvient des instants, trop brefs, de bonheur mais aussi de l?atmosphère étrange presque irréelle qui régnait dans la ferme du temps où elle y vivait. (à suivre...)