Le «quatuor» va-t-il faire reprendre à la communauté internationale l'initiative dans le conflit israélo-palestinien ? Mis en veilleuse durant plusieurs mois, le groupe international du quartette (composé des Etats-Unis, de l'Union européenne, de l'ONU et de la Russie) semble vouloir reprendre l'initiative au Proche-Orient. Initiative longtemps laissée au seul monopole du chef du gouvernement israélien, Ariel Sharon, qui eut le temps, entre deux massacres de Palestiniens, de concocter ce qu'il nomme son projet de retrait de Ghaza. Projet assumé et soutenu par le président américain, George W.Bush. Or, ce projet, dans sa formulation-même, court-circuite le plan de paix international dit la «Feuille de route» et justement le quartette avait pour mission d'en suivre la mise en oeuvre. Ce plan devrait, selon ses promoteurs, donner naissance à l'Etat palestinien, à l'horizon 2005. De fait, dans la pratique, rien n'a encore été réalisé permettant d'envisager le démarrage de la Feuille de route, parrainée par le quartette. Or, ce plan de paix se trouve, en fait, dans l'impasse du fait même des manoeuvres du gouvernement israélien tendant à en dénaturer les fondements tels qu'acceptés par la communauté internationale, et les belligérants israéliens et palestiniens. Or, Sharon, tout au long de ces mois, par manoeuvres et tergiversations, a, pratiquement vidé la Feuille de route de son concept originel. Aussi, de quel bilan va parler le quartette si l'on tient compte du fait que la mise en oeuvre du plan de paix international est quasiment au point mort, au moment où Israël, défiant la communauté internationale, édifie un nouveau mur de Chine en Cisjordanie empiétant largement sur les territoires palestiniens. Or, Sharon ne cache pas que le mur, dit de sécurité, aboutira, à terme, à l'annexion d'importantes portions du territoire de la Cisjordanie sur lesquelles sont édifiées les colonies juives de peuplement. Selon les informations en provenance du Caire, le quartette, qui eut en mai dernier, une réunion informelle à Washington, par laquelle il a soutenu «le retrait unilatéral de Ghaza», se réunit de nouveau à Taba - l'annonce en a été faite hier par l'agence officielle égyptienne Mena - pour faire le point sur la question et insister, semble-t-il, pour que ce retrait «s'inscrive dans le cadre de la Feuille de route». Certes, mais encore faut-il que le quartette fasse montre de fermeté envers Israël dont les dirigeants mènent les choses à leur guise et dans la seule optique qu'ils se font de la paix et de la sécurité. Ce retour de la question proche-orientale au premier plan de l'actualité internationale est également marqué par la tournée qu'entreprendra, à partir de demain, le sous-secrétaire d'Etat adjoint américain pour le Proche-Orient, Williams Burns, au Caire, en Israël et dans les territoires palestiniens pour, d'une part, discuter de l'initiative égyptienne, Le Caire proposant de former des policiers palestiniens, dans la perspective du retrait envisagé par Israël à Ghaza, d'autre part sonder les intentions de Sharon et consulter les dirigeants palestiniens. En fait, le problème réel est bien celui de faire le lien entre l'initiative israélienne de retrait de Ghaza et la mise en oeuvre de la Feuille de route pour que Ghaza soit l'étape inaugurale du plan de paix international en lui redonnant la primauté dans le règlement du conflit israélo-palestinien. Cette approche est partagée par les ministres égyptien, Ahmed Maher, et français, Michel Barnier, en tournée dans la région. Ainsi, le chef de la diplomatie égyptienne n'a pas manqué d'affirmer que l'Egypte insistait pour que le retrait israélien «soit total et constitue une première étape de la Feuille de route» du quartette. Position qui est celle de la France, soutient son homologue français qui indique : «C'est vraiment d'une première étape dont nous parlons», car selon lui, «la Feuille de route est un tout qui a été approuvé par les Israéliens et les Palestiniens et qu'il s'agit de mettre en oeuvre par étapes». Ce qui veut dire que la suite doit être supervisée par la communauté internationale. De fait, le chef de la diplomatie française a laissé entendre que la France était prête «à rejoindre une présence internationale» à Ghaza indiquant : «Nous avons marqué notre disponibilité pour participer, le moment venu, y compris à travers une présence internationale dont la configuration reste à déterminer», soulignant : «Les Européens sont prêts à s'engager.» Cette force, ou «présence» internationale, les Palestiniens n'ont pas cessé de la réclamer depuis des années pour faire tampon entre les deux pays. Toutefois, demeure en suspens le problème du boycott du président palestinien par Sharon et George W. Bush. Or, l'ancien président américain Bill Clinton a encore réaffirmé, hier, que Yasser Arafat reste incontournable pour toute solution du contentieux proche-oriental, affirmant : «A moins qu'ils (MM. Bush et Sharon) ne veuillent juste attendre qu'il (M. Arafat) soit dans l'incapacité d'assurer ses fonctions ou mort, ou à moins qu'ils pensent trouver meilleur partenaire avec Hamas en détruisant l'OLP - ce que je ne pense pas -, ils doivent continuer à travailler (avec Arafat) pour trouver un accord.» En réalité, les évènements le montrent bien, aucun accord sur le Proche-Orient ne pourra se faire sans le président palestinien et encore moins contre lui, d'autant plus que la paix se conclut et se paraphe avec ses ennemis. Ce qui est une constante dans les relations entre les pays et les Etats dans le monde, quand Israël prétend choisir ses interlocuteurs palestiniens avec qui il fera la paix.