Le spécialiste de ces coups d'Etat serait revenu spécialement de Téhéran pour rééditer son exploit de 1995. Comme si la machine était bien huilée depuis qu'un certain Abdelhamid Mehri en avait fait les frais, on évoque aujourd'hui un coup d'Etat scientifique en préparation contre Ali Benflis, qui a eu l'heur de s'opposer frontalement au Président de la République. Le spécialiste de ces coups d'Etat, à savoir Abdelkader Hadjar serait revenu spécialement de son poste d'ambassadeur à Téhéran pour rééditer son exploit de 1995, qui avait permis d'introniser Boualem Benhamouda. Mais ces agitations de l'ambassadeur ne doivent pas faire oublier une donne très importante. La conjoncture n'est pas tout à fait la même que sous l'ère du Président Zeroual. A l'époque, en effet, le FLN, comme une brebis égarée, était carrément passé dans l'opposition au pouvoir, étant cosignataire des accords de Sant'Egidio, qui visaient à réintroduire le FIS, mais aussi le FFS et le PT, dans les jeux de l'alternance politique, mais qui avaient été rejetés dans le fond et la forme. Le FLN jouait avec le feu et mordait goulûment au fruit interdit. Depuis lors, l'ex-parti unique est rentré dans les rangs et a rejoint sa place naturelle dans l'orbite du pouvoir. Les deux dernières élections ont même fait de lui la première force politique du pays, majoritaire au Parlement et dans les autres assemblées élues, réussissant même l'exploit de ravir les premières loges à son grand rival de la coalition gouvernementale, le RND. Si Benflis n'avait pas rué dans les brancards, tout aurait continué à filer doux comme avant, comme un long fleuve tranquille, surtout que l'ancien Chef du gouvernement était habitué à travailler dans l'ombre de Abdelaziz Bouteflika, dont il avait été le directeur de campagne puis le directeur de cabinet au palais d'El-Mouradia. On ignore pour l'instant la véritable nature des jeux de coulisses auxquels se livre Abdelkader Hadjar, et de quels appuis il bénéficie au sein du comité central du FLN, et peut-être aussi jusque dans la gueule du loup du bureau politique. Certes, Ali Benflis avait fermé le jeu lors des assises du huitième congrès, qui s'étaient déroulées à la veille des frappes américano-britanniques contre l'Irak, et qui lui avaient permis de se tailler un costume sur mesure, lui donnant toutes les prérogatives au sein du vieux parti, y compris celle de nommer les mouhafed. Cela le consolait sans doute de ce qu'il fut frustré de ne pouvoir signer les décrets exécutifs ou de désigner aux hautes fonctions de l'Etat. On a les consolations qu'on peut. Ce faisant, Ali Benflis avait conscience de s'être engagé dans un bras de fer avec le Président dans la course aux échéances de 2004, le verrouillage du FLN participant de cette stratégie en filigrane. Ce que l'on constate aujourd'hui, c'est que Ali Benflis a mis un bémol à son opposition au gouvernement Ouyahia, acceptant la liste concoctée sans son aval, et l'Algérie s'achemine droit vers une jurisprudence constitutionnelle spécifique: le président peut changer de gouvernement sans tenir compte de la majorité politique à l'Assemblée nationale. Cela avait été fait malgré la domination du Parlement par le RND lorsque le Président avait nommé des premiers ministres qui n'étaient pas de cette formation politique, que ce soit Ahmed Benbitour ou Ali Benflis lui-même. Ce dernier s'est, sans doute, senti obligé de renvoyer l'ascenseur aujourd'hui. La question que l'on peut poser est : jusqu'où peut aller Abdelkader Hadjar? Après son premier coup de gueule, Ali Benflis a compris qu'il avait baissé la garde et que ses ennemis pourraient s'engouffrer dans cette brèche. Le système politique algérien ne laisse pas place à ceux qui affichent trop leur ambition. On est d'abord un homme du sérail, dont l'équilibre repose sur les jeux de coulisse entre les différentes composantes de la classe politique. Ce théâtre d'ombre se passe sans doute dans l'opacité, mais il a le mérite pour ses protagonistes de respecter les territoires délimités des différents acteurs politiques. Le remplacement d'Ali Benflis par Ahmed Ouyahia va certainement entraîner à plus ou moins long terme la recomposition du champ politique national, sur fond de préparation de l'élection présidentielle, et Abdelkader Hadjar est consiadéré comme l'un des catalyseurs de cette réaction chimique à l'algérienne.