Au départ, ce fut une histoire d'amour entre Bouteflika et son Premier ministre Benflis. Ali Benflis lança la campagne présidentielle de l'actuel chef de l'Etat. Mais toutes les histoires d'amour finissent mal en général. Genèse : ce fut lors de son voyage officiel en France où il a été reçu à l'Elysée avec les égards dignes d'un «chef d'Etat» que Benflis a renvoyé l'image d'un personnage encombrant, voire gênant. Un courant d'animosité à son encontre prenait alors naissance. Accusé d'user de son officiel poste de chef de l'Exécutif pour faire le lit de sa propre campagne électorale, il fut vite évincé de son poste de deuxième homme de l'Etat après avoir capitalisé une durée au pouvoir de près de trente mois. Depuis, les atomes crochus qui liaient l'ex-directeur de campagne au candidat de la présidentielle de 1999, ne tardèrent pas à se fragmenter. Et le divorce d'entre les deux hommes a pris, à l'orée de cet été, les allures d'un feuilleton aux épisodes «croustillants» dont raffole la presse. Juste après le 8e Congrès où Benflis, fort de son rôle au sein du FLN, et le rajeunissement de l'encadrement du parti, imposa une discipline de fer que l'on ne lui connaissait pas, alors qu'il détenait le portefeuille de n°1 de l'Exécutif. Le fils de Batna ne tarda pas à se faire des ennemis au sein même de la maison FLN qui le taxe d'autoritarisme et de mainmise sur cette machine électorale qu'est le FLN. C'est la dissidence pure et dure que mène un noyau dur que l'on dit proche du Président de la République. Mais nombreux sont les anciens responsables du parti, évincés de la direction qui accusent Ali Benflis d'avoir imposé ses hommes. Quelques-uns de ses acteurs gardent le haut de l'affiche comme Saïd Barkat, ceux-ci étant accusés d'avoir fomenté et entretenu le complot scientifique. Sans perdre de temps, les dissidents s'affairent à mettre en place et à réussir le 8e Congrès-bis. Ils choisissent dans un premier temps, le complexe touristique Les Andalouses à Oran, comme première étape à un conclave régional de «redressement». Les organisateurs de cette rencontre qui a regroupé plusieurs mouhafadhas «parallèles» de l'Ouest voulaient coûte que coûte invalider le 8e congrès et l'ensemble de ses recommandations et statuts, jugés arbitraires et antidémocratiques. Par ailleurs, une série d'opérations commando ayant pour but de déloger les responsables des fédérations FLN favorables au secrétaire général ont eu lieu à travers quelques wilayas du pays. Hadjar, alors ambassadeur à Téhéran, se désengage de ses prérogatives de diplomate en poste à l'étranger pour superviser en personne l'action des «putschistes» dotés parfois de chiens doberman dressés à l'attaque. Des citadelles censées être imprenables sont désormais prises d'assaut à Mostaganem, où les mutins furent menés par le député Si Affif, à Blida où le député FLN, Zaâf, menait un groupe de vingt personnes, à Biskra - où Barkat jouit d'un appui certain - dans la capitale des Zibans, les militants ont d'abord occupé le siège de la fédération locale avant que, sur appel du responsable local du parti, des centaines d'autres militants ne viennent les en expulser comme à Naâma et Mascara, l'objectif de ces opérations étant encore de créer une situation favorable pour la tenue d'un congrès extraordinaire du FLN, sinon engager une procédure juridique pour invalider le congrès tenu en mars. Partout les affrontements ont duré plusieurs heures. La police n'est pas intervenue. Et les assaillants, dans la plupart des cas, ont été repoussés. Presque au même moment, ces graves incidents rapportés par la presse nationale font sortir l'ex-patron du parti, Abdelhamid Mehri d'un mutisme de près de sept ans. Dans une lettre adressée aux militants et à la direction du parti, il conclut que «ceux qui ont comploté contre lui pour le destituer en 1996 font aujourd'hui les frais d'un complot similaire» et que ceux qui ont mené la sale besogne il y a sept ans, sont tombés finalement dans leur propre piège. Non sans rappeler «la sale besogne confiée alors à Hadjar et Belayat pour le dégommer», il assimile le conflit à un simple combat de coqs dont l'objectif premier est El-Mouradia. Plus récemment encore et alors que le Président de la République était en tournée à l'Ouest du pays, c'est l'incident de la salle Ibn Khaldoun qui retient l'attention de l'opinion qui fut médusée par le combat de rue qui a failli dégénérer, n'était la vigilance des ser-vices d'ordre. Les pro et anti-Benflis voulaient en découdre à propos d'une réunion que les uns voulaient légitime pour «apporter des correctifs à un congrès qui aurait, selon eux, ignoré les principes de liberté et promu les manoeuvres trompeuses et tous les moyens de menace contre les militants». Les autres, les légalistes, menés par Aïssa Khellaf, membre du comité central, prônaient une fidélité inconditionnelle à l'actuel secrétaire général. Par souci de préserver l'ordre public, Benflis vient de faire mine d'obtempérer à l'ordre de Zerhouni stipulant l'interdiction de toute marche dans la capitale. Mais «ce n'est que partie remise», lancent certaines voix, comme pour maintenir le suspense. Aujourd'hui deux organisations estudiantines organisent chacune de son côté une réunion sous l'intitulé «Université d'été». Bien maigre argument, lorsqu'on sait que les pro-Benflis sont plus que jamais sur le qui-vive et à l'affût de la moindre incartade. D'autant plus que certaines sources avancent que sous le couvert d'un conclave d'étudiants, émergea une sorte de bureau provisoire où figurent les plus farouches opposants à Benflis qui se sont fixé l'objectif de prendre en main le parti. Aujourd'hui, les Pins-Maritimes, à l'occasion de ce coup de force, pourrait être le théâtre d'un affrontement où tous les coups sont permis au sein de la première force politique du pays. Simple guerre psychologique qui ne vise qu'à affaiblir la résistance du secrétaire général du parti? Probable. Etant donné qu'il apparaît bien difficile à ce dernier - vu l'évolution des choses - de tenir les rênes du parti d'ici à l'automne prochain.