C´est avec un mois de retard, Ramadhan oblige, que le Salon international du livre d´Alger, événement devenu ponctuel et incontournable, a ouvert ses portes à un public avide de connaître les dernières parutions. Ce n´est pas seulement l´instinct grégaire qui pousse la jeunesse à hanter les allées de l´exposition, mais une réelle soif de lire et de faire la connaissance de certains auteurs. Pour raviver la flamme de la lecture étouffée par des années de parabole et, à présent, menacée par un Internet envahissant, les organisateurs du Sila, comme chaque année, mettent en relief un thème, un auteur, un courant: si en 2003, le Salon était dédié au monumental Mohamed Dib, grand romancier et poète mort à l´étranger, en 2004, c´est au combattant émérite Frantz Fanon que l´exposition fut consacrée. Ecrivain d´origine martiniquaise, qui a consacré une vie et une oeuvre contre le colonialisme, il est revisité par ses livres et une biographie réalisée par son ancienne collègue Alice Cherki. En 2006, le Salon fut ouvert dans la perspective d´«Alger, capitale de la culture arabe». Cette année, c´est une autre ambition qui motive les organisateurs du Salon: réconcilier les Algériens avec leur histoire. Dans cette optique, dans un esprit de réconciliation nationale, ont été mis à l´honneur tous les esprits frondeurs, contestataires ou conformistes des quatre décennies d´une histoire littéraire soumise à la loi implacable du parti unique et de l´édition contrôlée. C´est avec un plaisir certain que la jeune génération découvrira le fier Ferhat Abbas qui a claqué la porte au pouvoir centralisé à côté d´un historien orthodoxe, comme Mahfoud Kaddache. Le premier président du Gpra ne se sentirait pas incommodé par la proximité d´un Cheikh Bayoud, chargé de la culture dans l´Exécutif provisoire d´Abderrahmane Farès, et aussi grand exégète du Coran. La résurrection d´un Bachir Hadj Ali, ancien secrétaire général du PCA, membre fondateur de l´ORP et du Pags et ancien pensionnaire des geôles de Boumediène, ravivera la nostalgie des habitués de la librairie Dominique tout comme elle annonce que la hache de guerre est enterrée...«Pas si vite!», m´a dit mon ami Hassan, puisqu´il y a des livres qui ont été retirés de l´exposition...Cela ne leur fera qu´une publicité gratuite supplémentaire! Il faut dire que la commission de contrôle a soigneusement filtré tous les livres jugés subversifs, comme une certaine littérature émanant de l´Orient... C´est aussi avec un certain plaisir que des personnages hauts en couleur, comme Mouloud Kassem Naït Belkacem, ministre des Habous et philosophe érudit qui pouvait citer ses classiques allemands en mentionnant le titre de l´oeuvre, la page et la ligne...C´est au coeur qu´on est touché quand on relit les messages de cette charmante critique et militante du cinéma que fut Mouny Berrah, trop tôt partie! Cela prouve qu´il y a encore quelque part des gens qui ne pensent pas qu´à l´argent. Le Salon fait, outre son oeuvre de promotion, fonction de rappel et de réajustement de l´Histoire.